Ce film italien sur les violences conjugales est un phénomène, et il sort enfin en France
CINÉMA – Mieux que Barbie et Oppenheimer. Depuis sa sortie dans les cinémas italiens, Il reste encore demain (C’è ancora domani, dans sa version originale) a réuni plus de 5 millions de spectateurs, dépassant de très loin les géants de Hollywood. Le film événement de Paola Cortellesi arrive, ce mercredi 13 mars, dans nos salles.
Son histoire, c’est celle de Delia, mère au foyer de trois enfants, qui subit les coups d’un mari autoritaire dans l’Italie post-fasciste de la seconde moitié des années 1940, à Rome. Celui-ci n’est pas seulement violent avec elle, il compte le moindre centime qu’elle ramène à la maison. Tout le quartier, comme dans sa famille, le sait. Mais personne ne bouge, pas même Delia.
Que doit-elle faire ? Se rebeller contre Ivano ? Le quitter et laisser derrière elle ses enfants ? Un beau jour, le signe d’une échappatoire se présente : sa fille aînée Marcella est demandée en mariage. L’heureux élu – le riche héritier d’un glacier de la capitale – va au moins pouvoir sortir cette dernière de leur misère.
Et paf, un nouveau rebondissement surgit : l’arrivée d’une lettre mystérieuse. Elle va tout renverser dans sa tête et pousser Delia à commettre l’impensable. Si elle le fait, c’est pour elle, sa fille et toutes les femmes du pays.
Découvrez ci-dessous la bande-annonce :
La lecture de ce pitch ne le présage pas, mais Il reste encore demain nous fait passer du rire aux larmes, sous couvert d’une mise en scène décalée plus rock’n’roll qu’il n’y paraît. C’est réussi. Et même si personne ne l’a vu venir, ce film en noir et blanc sur les violences conjugales est devenu le neuvième long-métrage italien le plus vu de l’histoire depuis sa sortie en Italie, le 26 octobre 2023.
Un succès inattendu au cinéma
Bouche-à-oreille, projections scolaires, témoignages… Le premier film de Paola Cortellesi, véritable vedette populaire du petit écran en Italie depuis vingt ans, est rapidement devenu un objet de discussion grand public et féministe dans le pays conservateur. « Jamais je n’aurais imaginé un tel succès », confie dans les colonnes de Télérama la réalisatrice.
Ce n’est pas si anodin. Depuis son accession au pouvoir, le gouvernement d’extrême droite de Giorgia Meloni a mis en place une série de politiques sexistes, comme le remplacement par une aide plus faible du RSA (majoritairement perçu par les femmes) ou la diminution de 70 % du financement de la prévention consacrée à la lutte contre les violences faites aux femmes.
Deux semaines après la sortie d’Il reste encore demain, un évènement tragique amplifie le phénomène : la mort d’une étudiante, tuée de plusieurs coups de couteau par son ex-petit ami. L’âge du tueur, son profil ordinaire et son milieu de classe moyenne attirent l’attention des médias. « Ce n’est pas un monstre qui a tué ma sœur, mais un enfant saint du patriarcat, dénonce la sœur de la victime, 102e féminicide de l’année 2023.
Avant d’ajouter : « Ce n’est pas un crime passionnel, c’est un meurtre d’État, car l’État ne nous protège pas. Pour Giulia, ne faites pas une minute de silence. Pour Giulia, brûlez tout. »
Il reste encore demain, salué par Giorgia Meloni
Et alors que des manifestations s’installent dans le pays en son hommage pour dénoncer les causes structurelles des violences faites aux femmes, la fréquentation du film de Paola Cortellesi a, elle, gonflé. On va le voir et le revoir, raconte le correspondant du Monde sur place. Projeté au Sénat, il a même été salué par la présidente du Conseil.
Espérant que « cette petite flamme » ne s’éteigne pas dans la tête des citoyens, la cinéaste a appelé, en novembre dernier dans les colonnes du Vanity Fair italien, Giorgia Meloni et la patronne du Parti démocrate Elly Schlein (le plus grand parti d’opposition) à collaborer pour mettre en place de véritables politiques de prévention. Les deux femmes se sont dites prêtes à la rencontrer, un signe que le film a su mettre les mettre face à leurs responsabilités.
Qu’en sera-t-il de sa réception chez nous, en France ? L’histoire de nos deux pays est différente, mais se rejoint dans les chiffres : plus de 30 féminicides ont déjà été recensés par le collectif #NousToutes depuis le début de l’année 2024.
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