Culture

Ces séries pour ados captivent aussi les adultes, et il y a une explication

PSYCHOLOGIE – Durant onze semaines, jusqu’à ce mercredi soir, c’était devenu un rituel pour beaucoup : visionner le dernier épisode de L’Été où je suis devenue jolie. En l’espace de trois saisons, cette série pour ados diffusée sur Prime Video a conquis un public fidèle, bien décidé à découvrir pour lequel des deux frères Fisher, Conrad (Christopher Briney) ou Jeremiah (Gavin Casalegno), le cœur de Belly (Lola Tung) allait finalement pencher.

Triangle amoureux, liberté des vacances d’été, opposition aux parents, passage à l’âge adulte… Si L’Été où je suis devenue jolie, adaptée des romans éponymes de Jenny Han, a avant tout été pensée comme une série pour adolescents, elle a pourtant conquis un public plus large, notamment des trentenaires et des quadragénaires, les fameux « millenials ».

Sur Instagram et TikTok, on ne compte plus les vidéos de femmes de plus de 25 ans avouant leur obsession pour la série malgré leur vie de couple, leurs enfants ou leur charge mentale. Certaines organisent même des visionnages collectifs dans des bars façon match de football, ou dans des salles de réunion au travail.

Une réminiscence de sa propre adolescence

Résultat : la série est devenue un véritable phénomène, attirant 25 millions de téléspectateurs dans le monde dès la première semaine de diffusion de la saison 3, soit une hausse de 40 % par rapport à la saison précédente. Au point que Prime Video a annoncé, dans la foulée de la sortie du dernier épisode, qu’un film mettra un point final aux histoires d’amour mouvementées de Belly et de ses amis.

Avant elle, d’autres séries pour ado comme Sex Education, Elite ou Mes premières fois, toutes diffusées sur Netflix, ont également touché toutes les générations. Comment expliquer que ces œuvres traitant de thématiques propres à la jeunesse comme les premiers émois ou la découverte de la sexualité résonnent auprès d’une audience bien plus large ?

« Quand je regarde L’Été où je suis devenue jolie, j’oublie le temps d’un épisode que je ne suis plus une ado », nous explique Elsa, 43 ans, chez qui la fibre nostalgique joue à plein. Alors que plus jeune, elle suivait religieusement les diffusions d’Angela, 15 ans, de Felicity ou de Hartley Cœurs à Vif, la quadragénaire retrouve dans les nouveaux teen dramas (« drames adolescents », en français) les mêmes ressorts, qui lui apportent « un sentiment de bien-être » immédiat.

Elle n’est pas la seule. Combien de millenials biberonnés à Dawson, Les Frères Scott ou Newport Beach se délectent aujourd’hui de ces histoires de jeunes lycéens ou étudiants ? « Cela leur rappelle toutes ces belles histoires d’amour qu’ils ont regardées en grandissant », explique à The Guardian la créatrice de contenus Emma Lymar, elle-même fan de L’Été où je suis devenue jolie.

Un point de vue partagé par Kate Mansfield, une coach en relations amoureuses aussi citée par The Guardian. Pour elle, se plonger dans ces séries offre non seulement une évasion, mais aussi « une forme de voyage émotionnel dans le temps ». L’occasion, pour les adultes, de « revivre les émotions intenses et dévorantes du premier amour, sans les conséquences ni le chagrin », explicite Kate Mansfield.

Une échappatoire

Mais l’attrait pour ces séries ne repose uniquement sur la nostalgie. Élise, 42 ans, nous confie ainsi adorer « le côté léger et estival » qui lui « permet de se changer les idées ». Même constat du côté d’Elsa, qui adore pouvoir, le temps d’un épisode, décrocher de son quotidien rythmé de mère de famille avec un job à temps plein.

Comme le souligne Dana Moinian, psychothérapeute interrogée par Harper’s Bazaar, si tant de femmes adultes apprécient les séries pour ados, c’est aussi parce qu’elles leur permettent aussi de se décharger de la pression. Ici, pas de vie à sauver comme dans The Pitt ou d’univers dystopique anxiogène à la Severance, puisque toute l’intrigue réside dans une seule question : vont-ils ou non finir ensemble ? Et cela n’est pas dénué d’effets sur la santé, puisque « ce type de visionnage favorise la régulation négative du système nerveux, ce qui facilite ainsi la récupération psychologique », affirme Dana Moinian.

Quant à savoir si les trentenaires et quadras sont trop « vieilles » pour être la cible de ce type de séries, Elsa balaye la question d’un revers de main. « Les plateformes ne sont pas bêtes, elles savent bien qu’elles vont autant accrocher les ados que les adultes nostalgiques de ce moment de leur vie. »

Elle en veut pour preuve l’évolution des personnages de parents dans les teen dramas. Alors que dans les années 90 et 2000, ces derniers restaient en arrière-plan, ils sont désormais tout aussi développés que les ados. À l’image de Laurel, la mère de Belly, dépeinte à la fois comme une écrivaine accomplie et comme une mère attentive. « C’est à eux qu’on peut finalement s’identifier, c’est réconfortant », conclut-elle.