Cette idée d’un sénateur américain censée lutter contre « l’obscénité » va trop loin
INTERNATIONAL – Game of Thrones ? Une série culte qui pourrait bientôt être considérée « obscène ». Aux États-Unis, un récent projet de loi déposé par le sénateur républicain de l’Utah Mike Lee provoque de lourdes craintes liées à la liberté d’expression. Et pour cause, ce sénateur souhaite redéfinir dans les grandes largeurs ce qui peut-être considéré comme un contenu « obscène ».
Cette initiative qu’il avait déjà présentée en 2022 − mais qui avait finalement été rejetée − vise principalement à lutter contre la pornographie, comme l’explique ce mercredi 14 mai la version américaine du HuffPost. Mais le risque de dérive touchant des œuvres culturelles inquiète fortement.
Dans un communiqué présentant ce nouveau projet de loi sur la définition de « l’obscénité interétatique », le sénateur Lee indique que « l’obscénité n’est pas protégée par le Premier Amendement, mais des définitions juridiques floues et inapplicables ont permis à la pornographie extrême de saturer la société américaine et d’atteindre d’innombrables enfants ».
Son projet de loi souhaite donc « actualiser la définition juridique de l’obscénité à l’ère d’Internet afin que ce contenu puisse être supprimé et ses auteurs poursuivis », facilitant au passage les poursuites contre la transmission de contenu obscène entre États.
Si la loi est votée, elle permettra de définir comme « obscène » tout contenu qui « pris dans son ensemble, fait appel à l’intérêt lascif pour la nudité, le sexe ou l’excrétion ». Ou qui « décrit ou représente des actes sexuels réels ou simulés dans le but objectif d’éveiller, de titiller ou de satisfaire les désirs sexuels d’une personne ». Mais aussi tout contenu qui « pris dans son ensemble, manque de valeur littéraire, artistique, politique ou scientifique sérieuse ».
En clair ? Tout contenu que les législateurs américains estiment répondre à ces critères pourrait être défini comme obscène, ce qui signifie que sa transmission à travers les frontières des États, y compris sur Internet, pourrait être criminalisée en vertu de la loi fédérale.
Des relents du « Projet 2025 »
Une définition « si large » qu’elle laisse craindre une possible censure de certaines œuvres culturelles, bien au-delà du contenu pornographique. Reason Ricci Joy Levi, présidente de la Woodhull Freedom Foundation, cite comme exemple la série Game of Thrones au HuffPost américain. « Cela donne au gouvernement fédéral le pouvoir de contrôler la liberté d’expression en fonction de valeurs subjectives », déplore un éditorial publié sur MSNBC par deux membres du groupe de réflexion The Future of Free Speech de l’Université Vanderbilt dans le Tennessee.
« Lorsque les législateurs tentent de faire respecter les convictions de certains Américains au détriment des droits d’autrui, ils franchissent une ligne constitutionnelle et mettent en péril le Premier Amendement » ajoutent-ils pour dénoncer le projet de Mike Lee.
Le HuffPost américain souligne également que ce projet de loi présente de curieuses similitudes avec le fameux « Projet 2025 », ce manuel profondément réactionnaire de plus de 900 pages rédigé par la Heritage Foundation et qui a servi de base de travail au projet politique du second mandat de Donald Trump. Et même s’il a souvent pris ses distances avec ce texte depuis sa réélection, le président américain a sciemment placé dans son administration des rédacteurs du « Projet 2025 ». Et ça se sent.
À l’intérieur de cet épais document, il est établi que la pornographie « n’a aucun droit à la protection du Premier Amendement » et devrait donc être interdite. Ceux qui produisent ou distribuent ce contenu « devraient être emprisonnés », peut-on également y lire. Mais ce n’est pas tout : « Les enseignants et les bibliothécaires publics qui le diffusent devraient être déclarés délinquants sexuels. Et les entreprises de télécommunications et de technologie qui facilitent sa diffusion devraient être fermées ». En clair ? Une copie presque parfaite du projet de loi de Mike Lee. Simple hasard ? Rien n’est moins sûr.
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