Culture

Cette saga sur fond de guerre au Vietnam ravive la mémoire déchirante des « poussières de vie »

LITTÉRATURE – Bombardements, massacres, agent orange… Les atrocités de la guerre du Vietnam ne sont un secret pour personne. Depuis ce mercredi 10 janvier, l’arrivée dans les librairies françaises de Là où fleurissent les cendres, best-seller international de Nguyễn Phan Quế Mai, met en lumière un autre aspect méconnu, mais tout aussi tragique du conflit : les « poussières de vie ».

Traduction de « bụi đời », l’expression désignait de jeunes vagabonds, des enfants de la rue. L’un des héros du roman, Phong, a été de ceux-là après avoir été abandonné à la naissance par sa mère. Les causes de cet abandon sont mystérieuses, mais Phong, lui, est certain d’une chose. La couleur de sa peau, ses traits métis et ses cheveux ne trompent pas : il doit être le fils d’un GI.

Nous sommes en 2016 et Phong est bien décidé à prouver ce lien de parenté aux autorités américaines pour lui permettre d’émigrer avec toute sa famille aux États-Unis, dont il est certain qu’ils apporteront un bien meilleur avenir à ses enfants. Le premier problème, c’est qu’il a déjà essayé et que ça n’a pas marché.

Le second ? Il n’est pas le seul. Beaucoup des « bụi đời » sont nés de la relation entre un soldat américain et une travailleuse du sexe vietnamienne. Très souvent lâchée par le père à l’annonce de la grossesse, celle-ci n’a pas eu d’autre option que de confier l’enfant à un orphelinat ou de l’abandonner, pour éviter d’être stigmatisée par le reste de la société, ou par faute de moyen.

Les effets de la guerre au Vietnam

« Vous connaissez des enfants de GI qui sont restés ici ? Comment vont-ils maintenant ? » demande Dan, vétéran américain de retour à Hô Chi Minh-Ville (anciennement Saigon) pour la première fois depuis la fin de la guerre, à son guide. « Ils sont pauvres pour la plupart. Beaucoup n’ont pas eu la chance d’aller à l’école. Il est donc difficile pour eux de trouver du travail », lui répond Thiên.

Dan est rongé par les remords. Il a lui-même tourné le dos à Trang quand elle est tombée enceinte, en 1969. « C’était une époque folle. Nous étions égoïstes, nous avions peur », finit-il par avouer en larmes à son épouse, qui l’accompagne dans ce voyage.

Saga historique captivante et éclairante, Là où fleurissent les cendres nous plonge à travers les époques, entre aujourd’hui et la fin des années 1960 au Vietnam, à la rencontre de Dan et Phong, mais aussi de Trang, une jeune femme qui, avec sa sœur, a quitté sa campagne pour gagner de l’argent dans un bar à hôtesses de la capitale au moment du conflit.

Derrière leurs trois destins, dont on taira ici les issues déchirantes, Nguyễn Phan Quế Mai veut nous parler des effets du conflit sur la population vietnamienne. « Au fil des années, je n’ai cessé de penser à ces Amérasiens, espérant que la vie se soit montrée plus clémente avec eux », souffle-t-elle dans les notes qui accompagnent le livre.

Le regard de Nguyễn Phan Quế Mai

Nguyễn Phan Quế Mai a grandi dans le sud du Vietnam, où à la fin des années 1970 et dans les années 1980, elle dit avoir été témoin des discriminations dont les « bụi đời » ont été victimes. Il lui a fallu sept ans pour écrire ce roman, qui l’a amenée à rencontrer bien des vétérans désireux de retrouver leurs enfants perdus.

« Et bien qu’ayant pu aider plusieurs personnes à trouver ceux qu’ils cherchaient après plus de quarante ans, j’ai alors réalisé la complexité et le traumatisme qu’induisaient ces situations », continue l’autrice. Le sujet est abordé de tous les points de vue, avec une écriture mesurée et pleine de poésie. Au sujet des Amérasiens abandonnés à la naissance, elle écrit : « Leurs traits étrangers les faisaient ressortir, comme des épines dans le regard des gens. »

« Remarquable », selon le Times. « Magnifique », d’après le Boston Globe. L’intrigue de Là où fleurissent les cendres – deuxième roman de la poétesse à être traduit en français depuis la parution (là aussi) aux éditions Charleston de Pour que chantent les montagnes en 2022 – est « complexe et ingénieuse », estime le Washington Post. Depuis sa sortie initiale en mars 2023 sous son titre original Dust Child, la fresque historique a conquis la presse et les lecteurs. Au HuffPost, on comprend pourquoi.

À voir également sur Le HuffPost :