« Challengers » rend le tennis plus sexy que le sexe, quitte à en faire trop
CINÉMA – Jeu, set et match. Challengers a gagné la partie du film sportif le plus sexy. Le nouveau long-métrage du réalisateur italien Luca Guadagnino (Call me by your name) frappe fort avec son triangle amoureux sur court de tennis. Zendaya y joue Tashi Duncan, une jeune tenniswoman prometteuse, qui fascine les deux amis Art (Mike Faist) et Patrick (Josh O’Connor), pas que pour son coup droit.
Des années plus tard, après une blessure fatale pour sa carrière, Tashi doit coacher Art, devenu son mari, dans un tournoi Challenger contre son ancien petit ami, Patrick. Comme la balle au-dessus du filet, le film de Luca Guadagnino fait de multiples allers-retours entre les époques. De leurs dix-sept à leurs trente ans, les relations amicales et amoureuses entre les trois compétiteurs vont se faire et se défaire, sans jamais que la partie soit réellement terminée.
Même si la chronologie donne parfois un peu le tournis au spectateur, Challengers réussit le pari de sortir du cliché du triangle amoureux classique. Rapidement, la question n’est plus de savoir qui Tashi va choisir entre les deux meilleurs amis, mais jusqu’où elle est prête à aller pour gagner.
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Zendaya écrase la compétition
Longtemps cantonnée à des rôles de lycéenne, Zendaya se révèle dans ce rôle plus mature. Son personnage a bien conscience de la fascination qu’elle exerce, même dans les flash-back. Qu’elle joue la jeune Tashi sur le point d’entrer à Stanford avant de passer pro, ou la Tashi trentenaire, coach, mère de famille et femme d’affaires impitoyable, elle captive.
Challengers ne la réduit pas pour autant à l’objet du désir des deux personnages masculins, comme souvent dans les triangles amoureux. La jeune femme jouée par Zendaya mène les hommes à la baguette, de la même manière qu’elle gère sa carrière. Avant comme après sa blessure, elle bâtit un empire autour de son image, puis celle de son mari passé pro. Trophées sportifs, campagnes de pub pour Adidas ou des voitures de luxe : elle devient le gagne-pain de sa famille, qui ne vient pas d’un milieu favorisé. Ce sujet aurait gagné à être exploré d’avantage pour mieux comprendre la psychologie du personnage, et procurer au spectateur plus d’empathie.
Car contrairement à l’actrice qui l’incarne, Tashi Duncan n’est pas une femme très appréciable. Sa blessure et sa carrière sportive avortée semblent l’avoir rendu aigrie, égoïste, voire manipulatrice. Elle impose le respect mais instaure aussi la peur, comme l’illustre son mariage avec Art, qui a bien conscience de jouer au tennis pour deux. Les rares moments où elle n’a plus l’air de contrôler le monde entier sont lorsqu’elle se trouve face à Patrick, encore plus égoïste qu’elle.
Tennis à trois
Quand on voit Tashi en action sur le court, on comprend son pouvoir. Raquette à la main, elle élève le tennis au rang d’art, est sans pitié pour l’adversaire et ne retient pas ses cris, presque primitifs. La compétition devient le moteur de toutes les relations et Tashi le trophée à gagner, puis à conserver. En jouant en double, les jeunes Patrick et Art étaient surnommés le feu et la glace. Face à Tashi, il y a toujours un dominant et un dominé. Mais ceux qui s’attendent à des scènes de sexe seront déçus : il n’y en a aucune.
S’il y a bien une scène de baiser à trois, comme le dévoile la bande-annonce, ce n’est pourtant pas là que Challengers est le plus sulfureux. Les meilleures scènes du film se passent tout habillé, des deux côtés du filet. Les matchs de tennis sont chorégraphiés au millimètre près, comme les quelques scènes d’intimité. Au lit comme pendant le tournoi, Tashi se fait coach et arbitre de la vie des deux anciens meilleurs amis.
Luca Guadagnino ne lésine pas pour rendre le tennis esthétique. Il utilise la géométrie et le bleu électrique des courts américains à son avantage, alterne plongée, contre-plongée et accélère à la vitesse de la balle. Puis, à grand renfort de ralentis et de musique électronique, produite par Trent Reznor, Atticus Ross et Boys Noize, le moindre mouvement devient une danse sensuelle, telle une scène dans une boîte de nuit.
Des « Challengers » en sueur
Les trois joueurs sont sexualisés, parfois à outrance, comme pour mettre le spectateur au milieu du jeu de séduction qui se déroule entre eux. Un coup de vent soulève la jupe de tennis de Zendaya, les mollets de Mike Faist et Josh O’Connor sont filmés de très (très) près, et les cris d’efforts des joueurs de tennis sont isolés pour mieux les faire résonner.
Le réalisateur, déjà adepte des fruits dans Call me by your name, n’a pas non plus choisi la subtilité en faisant manger à Art et Patrick des churros puis des bananes, en se regardant dans le blanc des yeux. Mais cette accumulation de plans serrés et de gouttes de transpiration qui coulent lascivement sur la caméra tourne presque au ridicule.
Le dernier set, interminable, termine de faire monter la pression entre les deux compétiteurs. Au bout de deux heures de film, on ne sait pas s’ils vont se frapper avec leur raquette ou bien s’arracher mutuellement leur t-shirt trempé. Le spectateur se retrouve alors dans la même position que Tashi, assise dans les tribunes opposées. Sur le court de tennis comme dans la salle de cinéma, les corps sont épuisés et la tension artérielle dépasse bientôt la tension sexuelle. Jusqu’à la balle de match et le générique de fin.
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