Dans « Indomptables » Thomas Ngijol s’inspire de sa vie et ça ne fait pas du tout rire
SORTIE CINÉMA – On l’a découvert faisant des blagues sur la scène du Jamel Comedy Club, puis en tant qu’acteur et réalisateur de comédie. Dans Indomptables, sorti ce mercredi 11 juin au cinéma, Thomas Ngijol laisse tomber l’humour. Un pari récompensé par une sélection à la Quinzaine des cinéastes au Festival de Cannes en mai dernier.
Pour son quatrième film derrière la caméra, il a choisi d’adapter en fiction le documentaire Un crime à Abidjan de Mosco Levi Boucault. Plutôt que la Côte d’Ivoire, Thomas Ngijol transpose cette enquête policière à Yaoundé au Cameroun, où sont nés ses parents. Il campe le commissaire Billong, qui est sur les traces des responsables du meurtre d’un policier.
Un homme aussi droit dans ses bottes que dans son costume cravate, qui mène les suspects comme ses enfants, à la baguette. Ce rôle plus sombre est aussi beaucoup plus personnel : « C’était un projet viscéral pour moi. J’étais habité par plein de choses que j’avais envie d’exprimer : la transmission, la passation, la communication avec mes enfants », explique Thomas Ngijol au HuffPost.
Pour construire le personnage principal, l’acteur et réalisateur s’est inspiré de son propre père. « J’ai fait un travail rétrospectif de mon rapport à lui, de celui de mes frères et sœurs aussi. À ça s’est rajoutée une couche de polar car j’étais trop pudique pour le faire de façon frontale », nous confie-t-il.
La lecture de ce contenu est susceptible d’entraîner un dépôt de cookies de la part de l’opérateur tiers qui l’héberge. Compte-tenu des choix que vous avez exprimés en matière de dépôt de cookies, nous avons bloqué l’affichage de ce contenu. Si vous souhaitez y accéder, vous devez accepter la catégorie de cookies “Contenus tiers” en cliquant sur le bouton ci-dessous.
Portrait d’un pays tourmenté
Même s’il s’agit d’un polar, le suspens de l’enquête passe en second plan car Indomptables est avant tout un portrait sincère du Cameroun. Sincère car Thomas Ngijol n’a pas essayé de filmer son pays d’origine sous son plus beau jour. Il rappelle, parfois avec un humour noir, la réalité de ses plus de 28 millions d’habitants : chômage, coupures de courant, hôpitaux délabrés et bouchons interminables.
« L’important c’était d’être vrai, de ne pas avoir un regard fantasmé ou faire une carte postale du Cameroun, et de ne pas non plus dénigrer ce pays que j’aime profondément. Ça aurait été un peu culotté en tant que citoyen français d’adopter cette posture », estime-t-il. Il fait simplement « un état des lieux, sans jugement aucun ».
À travers l’enquête policière, Indomptables montre notamment la violence qui règne au Cameroun, conséquence directe de la pauvreté et des ravages de la drogue. Une violence aussi exercée par la police, lors d’interrogatoires qui se transforment en passage à tabac. Face à ce chaos, Billong ne souhaite à personne d’être dans sa position : « Choisir entre laisser la violence perdurer ou l’exercer soi-même ».
Thomas Ngijol en père autoritaire
Et le père de famille est aussi intransigeant que le commissaire. Thomas Ngijol surprend en incarnant une certaine image de la paternité et de la masculinité. « Cette figure-là je la connais très bien pour avoir grandi avec, je connais ses principes et ses fonctionnements », développe-t-il en évoquant son propre père. Enfermé dans ses certitudes et sa droiture, le héros surprotège ses enfants et en oublie de les aimer, ou plutôt de leur montrer.
Thomas Ngijol rappelle que dans son film comme dans la vraie vie, ce type d’éducation n’est jamais le fruit du hasard : « Il y a souvent des enfances traumatiques, le fait d’avoir grandi après la guerre dans des États coloniaux, tout un tas de choses qui laissent des traces ». Le prestige et la responsabilité qui vont de pair avec le statut de commissaire n’aident pas non plus Billong à exprimer ses émotions autres que la colère.
C’est dans ces dynamiques familiales qu’Indomptables se révèle le plus touchant. Les échanges houleux avec sa femme et sa fille aînée Adeline, qui a fui la maison à cause de lui, bousculent l’ordre établi par le personnage, pas habitué à se remettre en question. Mais Thomas Ngijol ne fait pas de lui un méchant pour autant : « J’ai énormément d’empathie pour lui. Il est un peu perdu, il fait avec les moyens qu’il peut mais c’est une bonne personne », juge l’acteur et réalisateur. Et tant mieux, car il a aussi mis dans ce rôle « un peu de [moi] aussi ».