Culture

Dans « La Femme la plus riche du monde », Lafitte est l’homme le plus impertinent du monde

FESTIVAL DE CANNES – Oubliée Liliane Bettencourt, place à Marianne Farrère. Isabelle Huppert incarne La Femme la plus riche du monde dans le film de Thierry Klifa, présenté hors compétition au 78e Festival de Cannes. Le réalisateur s’est librement inspiré de l’affaire très médiatique qui a opposé l’héritière de L’Oréal à sa fille, Françoise Bettencourt Meyers.

Les faits connus restent les mêmes, mais les dialogues ont été inventés et tous les noms modifiés. Françoise devient Frédérique, incarnée par une Marina Foïs austère. Raphaël Personnaz joue avec beaucoup de justesse Jérôme, le majordome des Bettencourt qui a réalisé les enregistrements clandestins. Et André, le mari de Liliane Bettencourt, a été renommé Guy et est campé par André Marcon.

Mais une personne vole la vedette à ce casting prestigieux. Et il ne s’agit pas d’Isabelle Huppert, pourtant l’héroïne du film en salles le 29 octobre 2025. C’est Laurent Lafitte qui perce l’écran dans le rôle de François-Marie Banier, alias Pierre-Alain Fantin. Pour rappel, l’artiste et photographe a été condamné en 2016 pour abus de faiblesse, après avoir reçu près d’un milliard d’euros de « dons » de son amie Liliane Bettencourt.

Laurent Lafitte, roi de l’impertinence

La Femme la plus riche du monde démarre le jour de leur rencontre, alors qu’il vient photographier la femme d’affaires pour le magazine Selfish (Thierry Klifa n’est pas allé chercher bien loin pour renommer la revue Égoïste). Immédiatement, ce personnage haut en couleur dénote dans ce monde figé, où même la plus grosse fortune au monde n’achète pas le bonheur.

Pendant la première moitié du film, à chacune de ses apparitions magistrales, on rit à gorge déployée de ses remarques sans filtre, de sa vulgarité sans limite, et de sa façon de prendre toute la place dans une pièce ou une conversation. Et il faut dire que Laurent Lafitte joue l’impertinence à l’excellence. Celui qui a passé douze ans à la Comédie française n’a rien oublié du théâtre et le prouve dans ce rôle exubérant, maniéré, au-delà du too much.

C’est justement son outrance qui va plaire à Marianne, qui mène la multinationale familiale d’une main de fer mais s’ennuie à mourir dans sa maison-musée qui prend la poussière. Son nouvel ami la pousse à tout redécorer et à se réinventer, offrant une deuxième jeunesse à la milliardaire. « Il la décoiffe au propre comme au figuré », explique le réalisateur au Festival de Cannes. « Plus ce photographe entre dans sa vie, plus tout s’anime. » Et plus on se délecte devant le film.

Un « Succession » à la française

Les sorties insolentes de Pierre-Alain Fantin sont aussi l’occasion de rappeler le passé peu glorieux de collabo de la famille Bettencourt, à commencer par Eugène Schueller, le fondateur de L’Oréal. Même s’il se fait un malin plaisir à mettre mal à l’aise ses hôtes, le pique-assiette ne se gêne pas pour accepter cet « argent sale », comme lui fait remarquer Marianne. C’est dans les rares scènes où elle lui tient tête, avec la fermeté d’une femme à qui l’on ne refuse jamais rien, qu’Isabelle Huppert brille le plus.

Car derrière son humour grinçant, La Femme la plus riche du monde décortique surtout les rapports de force et la confiance. Au décès de Guy/André Bettencourt, le comique laisse place à un drame familial, renforcé par la musique d’Alex Beaupain. Pierre-Alain, lui, continue de provoquer et se montre de plus en plus diabolique et manipulateur, par moments même effrayant.

Lorsque Frédérique porte enfin plainte contre le photographe pour abus de faiblesse envers sa mère, le film prend des allures de Succession, ou encore du feuilleton télévisé américain Dynastie. Même si l’affaire judiciaire se joue au sein de la sphère privée, on y assiste au premier rang. C’est presque voyeuriste mais difficile pour autant d’éprouver de la peine pour les personnages principaux, même pour celui inspiré de Françoise Bettencourt Meyers, qui conserve sa place au chaud dans le club des ultra-milliardaires. Après tout, on peut rire de tout, y compris du malheur des plus fortunés.

À voir également sur Le HuffPost :

La lecture de ce contenu est susceptible d’entraîner un dépôt de cookies de la part de l’opérateur tiers qui l’héberge. Compte-tenu des choix que vous avez exprimés en matière de dépôt de cookies, nous avons bloqué l’affichage de ce contenu. Si vous souhaitez y accéder, vous devez accepter la catégorie de cookies “Contenus tiers” en cliquant sur le bouton ci-dessous.