Culture

« Doubler le prix du ticket ? » Hollywood doute des droits de douane sur les films étrangers

CINÉMA – Il y a d’abord eu les voitures, puis les puces. Bientôt les films ? Dans une nouvelle démarche inattendue sur son réseau social, Donald Trump a annoncé, ce dimanche 4 mai, son intention d’élargir sa guerre commerciale tous azimuts au cinéma, avec une taxe de 100 % sur les longs-métrages étrangers.

« D’autres pays offrent toutes sortes d’incitations pour attirer nos cinéastes et nos studios loin des États-Unis », a-t-il assuré, bien décidé à relancer une industrie cinématographique américaine qu’il dit être « en train de mourir ». Selon lui, il s’agit d’un « effort concerté de la part d’autres nations », représentant « une menace pour la sécurité nationale ».

Son but : « entamer immédiatement le processus d’instauration de droits de douane de 100 % » sur les films diffusés aux États-Unis, mais produits à l’étranger. « NOUS VOULONS DES FILMS MADE IN AMERICA », a écrit le président en lettres majuscules. Alors que son secrétaire au Commerce, Howard Lutnick, a assuré se mettre sur le dossier, aucune précision n’a pour le moment été donnée sur les conditions d’application des surtaxes.

« Comment fait-on pour imposer un droit de douane à un film ? En doublant le prix du ticket ? Au lieu d’une telle approche, pourquoi ne pas offrir des incitations à tourner ici, comme dans tous les autres pays du monde ? Quel putain d’idiot », s’est emporté sur X Steven S. DeKnight, producteur et scénariste américain notamment connu pour les séries Smallville et Daredevil.

À Hollywood, les annonces du président américain laissent dubitatif. « Je ne vois pas où il veut en venir, si ce n’est créer de la confusion et de la distraction, souffle un grand distributeur à Deadline. Espérons que cela ne fera qu’encourager les incitations fiscales des États américains, qui ont désespérément besoin d’être renforcées et mises en œuvre dès que possible. »

Un vétéran du cinéma hollywoodien se montre pour sa part très inquiet, estimant que cela risque d’empêcher la production des petits et moyens films, au risque de détruire de nombreux emplois, des assistants de production aux scénaristes, en passant par la postproduction. « En outre, cela réduira la quantité de contenus à gros budget créés parce que les studios ne pourront pas en faire autant en raison de l’augmentation des coûts de production », ajoute-t-il.

La Chine dans le viseur

Il s’agit d’une nouvelle escalade dans l’offensive commerciale lancée par Donald Trump à l’encontre des partenaires économiques des États-Unis. La Chine, contre laquelle il concentre une large partie de ses flèches, avait annoncé début avril qu’elle allait réduire « modérément » le nombre de films américains diffusés officiellement sur son territoire. L’une de ses réponses aux droits de douane prohibitifs imposés par les États-Unis sur ses produits.

Pékin limite déjà, par un système de quotas, le nombre de films étrangers diffusés officiellement dans ses cinémas. Une réduction de l’accès à ce marché, le deuxième du monde derrière les États-Unis pour le cinéma, pourrait rogner les recettes des studios hollywoodiens.

« Les mesures prises par Donald Trump affectent déjà les ventes en Chine, mais cela réduirait l’ensemble du marché mondial, assure le patron d’une grande société de production, toujours à Deadline. Les acheteurs ne veulent pas payer des garanties minimales s’il y a une taxe sur les longs-métrages au Marché du film de Cannes (lieu incontournable de rencontres et d’affaires entre professionnels du secteur depuis 1959, ndlr) ou sur les films qu’ils ont déjà acquis. »

Il poursuit : « Cela affecte les accords de distribution nationaux, mais aussi les investisseurs qui ont investi dans les films, car leurs films vaudront soudain moins d’argent. Nous ne pourrons plus faire de films avec les mêmes budgets, les acteurs ne toucheront plus les mêmes cachets, et la liste est encore longue. Cela détruirait tout simplement le secteur du cinéma indépendant. »

Le locataire de la Maison blanche ne parlant dans ses publications que de films, il n’est pas clair si les mesures américaines touchent également des séries télévisées ou diffusées sur des plateformes de streaming en ligne. Un vecteur de plus en plus important et profitable.

Hollywood en crise

Hollywood a généré quelque 279 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2022 et représente quelque 2,3 millions d’emplois, selon les derniers chiffres de l’association interprofessionnelle américaine MPA. Le secteur américain du cinéma est excédentaire, exportant 3,1 fois plus en valeur que les importations, selon la même source.

Mais cette industrie emblématique américaine est en crise, entre les grèves historiques qui ont paralysé Hollywood pendant plusieurs mois en 2023 et les bouleversements liés au streaming. D’après le magazine Variety, la production aux États-Unis a chuté de 40 % depuis la dernière mobilisation. Certains gros blockbusters, comme le prochain Avengers, ont fait le choix de bouder leur territoire d’origine pour tourner dans des studios en Europe.

Même si les États-Unis restent l’une des principales destinations de tournage avec 14,5 milliards de dollars de dépenses de production en 2024, Hollywood subit la concurrence de pays comme la Thaïlande, la Hongrie ou l’Afrique du Sud, qui proposent des avantages fiscaux alléchants pour y tourner. La Californie n’arrive, elle, qu’en sixième position d’un récent sondage de responsables de studios sur leurs lieux préférés de tournage pour 2025 et 2026.

Au lendemain des annonces, les conséquences pointent déjà le bout de leur nez, notamment à Wall Street. Plusieurs géants du divertissement, dont Netflix, Disney, Warner Bros. Discovery et Paramount, ont d’ores et déjà vu leurs actions chuter en bourse.

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