Il n’y a jamais eu autant de livres bannis dans les écoles américaines
CENSURE – La Servante écarlate de Margaret Atwood, le best-seller pour ados Nous, les filles de nulle part d’Amy Reed ou encore le recueil Lait et miel de la poétesse canadienne Rupi Kaur : outre-Atlantique, il devient de plus en plus difficile de trouver ces livres dans les rayonnages des bibliothèques scolaires.
C’est le constat que fait PEN America dans une étude préliminaire publiée à l’occasion de la Semaine du livre interdit, qui se déroule du 22 au 28 septembre. Selon cette association à but non lucratif, qui lutte pour la défense de la liberté d’expression, plus de 10 000 cas d’interdiction de livres ont été recensés au cours de l’année scolaire 2023-2024. Soit plus du double de l’année scolaire précédente.
Une guerre culturelle menée par les conservateurs
Si la censure de livres dans les écoles publiques ou les bibliothèques n’est pas nouvelle aux États-Unis, PEN America constate qu’elle s’est intensifiée depuis la pandémie de Covid-19. En cause : l’influence de plus en plus forte émanant d’organisations conservatrices comme Moms of Liberty. Très ancré dans les États gouvernés par les républicains, ce groupe politique rassemblant des parents d’élèves a fait de la critique des programmes scolaires mentionnant les droits LGBT, les discriminations liées au genre ou à la race son cheval de bataille. Le mouvement a même usé de son influence pour éditer un guide destiné aux écoles afin de mieux contrôler les lectures des jeunes Américains.
Comme le note PEN America, la censure émane aussi des États eux-mêmes, comme c’est le cas en Floride, où environ 8 000 interdictions de livres ont été enregistrées lors de la dernière année scolaire. L’Iowa, l’Idaho, le Nebraska, l’Arizona, le Tennessee, l’Utah et le Wisconsin ont aussi gravé dans la loi l’interdiction de certains livres.
Les femmes et les minorités prises pour cible
Sous prétexte de vouloir « protéger les enfants », les censures de livres bâillonnent un peu plus les voix d’autrices et d’auteurs racisés et/ou faisant partie des minorités sexuelles et de genre souligne PEN America. En première ligne de la censure, les livres « contenant des histoires d’amour, des livres sur les expériences sexuelles des femmes, et des livres sur le viol ou les abus sexuels, ainsi que des attaques continues contre des livres avec des personnages ou des thèmes LGBTQ+, ou des livres sur la race ou le racisme et mettant en scène des personnages de couleur ». Sont ainsi proscrits des bibliothèques le Va le dire sur la montagne de James Baldwin, le classique Un arbre pousse à Brooklyn de Betty Smith, Beloved de Toni Morrison, mais aussi Mort sur le Nil d’Agatha Christie et Blade Runner de Philip K. Dick.
« Avec 10 000 interdictions de livres scolaires en 2023-2024, nous devons prendre la mesure des dommages causés par la censure à ceux qui sont les plus touchés, les étudiants », a déclaré à USA Today la chercheuse et militante au sein de l’équipe PEN America Sabrina Baeta. « Cette semaine du livre interdit exige que nous nous unissions pour tourner la page des interdictions de livres en disant : “ça suffit”. »
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