Culture

Johnny Depp estime être « un mannequin crash test de #MeToo » et c’est problématique

CULTURE – Depuis les procès qui l’ont opposé à son ex-femme Amber Heard, il est très rare que Johnny Depp s’exprime. Il aurait peut-être dû s’abstenir cette fois-ci encore. Le comédien de 62 ans a donné une longue interview dimanche 22 juin au Times dans laquelle il se confie sur sa vie actuelle de « reclus », mais revient aussi sur l’injustice qu’il pense avoir subie de la part de ses proches. Mettant ce faisant un coup de pied volontaire au mouvement #Metoo.

Accusations de violences conjugales, psychologiques et physiques, poursuites réciproques pour diffamation, multiples témoignages… l’affaire Amber Heard/Johnny Depp a été largement relatée dans la presse, people d’abord, puis généraliste ensuite. Le procès très médiatisé de 2022 a même été diffusé en direct. Amber Heard a été jugée coupable de diffamation contre l’acteur et condamnée à l’issue de ce procès, mais les deux parties se sont finalement mises d’accord avant l’appel pour un versement d’un million de dollars de dommages et intérêts. Mais pour l’acteur, pour sa carrière en tout cas, c’était déjà trop tard. Il avait en effet successivement été écarté des franchises Les Animaux fantastiques et Pirates des Caraïbes.

Johnny Depp n’était jamais encore revenu dans le détail sur cette période récente de sa vie. Et dans l’interview fleuve qu’il a donnée au Times, il n’a pas mâché ses mots. Si ses projets à venir et notamment la sortie de son prochain film comme réalisateur Modi sont évoqués dans l’entretien, c’est bien « l’affaire Amber Heard » qui occupe une place centrale dans l’article. Une affaire que Johnny Depp dit avoir volontairement portée devant la justice parce que « c’était allé trop loin », même s’il était conscient de devoir pour cela « s’éventrer en public ».

Il confie ainsi avoir voulu rétablir sa vérité. « Tout le monde disait que ça allait se tasser, mais je savais que non, que ces mensonges répandus dans le monde entier allaient continuer. Je n’avais pas fait ce dont on m’accusait et je ne voulais pas que mes enfants, et leurs enfants vivent avec ça » explique-t-il.

Johnny Depp point du doigt #MeToo

Au cours de l’interview, l’acteur fait le lien entre les accusations qui ont pesé sur lui et le mouvement #MeToo, alors en gestation. Le début du mouvement en raison des premiers témoignages contre Harvey Weinstein a en effet eu lieu à l’automne 2017, un peu moins d’un an après qu’Amber Heard ne prenne la parole contre Johnny Depp. Le comédien affirme ainsi avoir servi de « mannequin crash test à #MeToo ».

« Je comprends que certains ne m’aient pas soutenu, parce que la chose la plus effrayante pour eux, c’était de faire ce qui était juste (…). J’étais là un an avant Weinstein, et j’ai tout absorbé, tout pris en pleine face. » Johnny Depp cite ainsi en exemple plusieurs de ses proches qui ont, d’après lui, retourné leur veste, témoigné contre lui et « lui ont fait un sale coup », et notamment son agent depuis 30 ans. Sans remettre en question la véracité (ou non) du contenu de leurs témoignages, Johnny Depp met en avant la sacro-sainte fidélité qui aurait dû, selon lui, primer. Et se place lui-même en posture de victime.

« Je voulais voir qui parmi les centaines de gens que j’ai rencontrés à Hollywood, allaient jouer “la sécurité”, opter pour le “il vaut mieux être woke” », a également exprimé le comédien. En disant cela, Johnny Depp vient piétiner le mouvement qui a libéré la parole de centaines de victimes de violences sexuelles, psychologiques ou conjugales, dans l’industrie du cinéma et ailleurs. L’acteur compare ainsi #MeTooà une tendance à suivre, sous peine de se faire, comme il estime l’avoir été, blacklister. En mettant en avant la supposée lâcheté de ceux qui ont préféré suivre le mouvement, il minimise le courage bien réel des femmes et des hommes qui ont, grâce au mouvement #MeToo, choisi de s’exprimer contre leurs agresseurs.

« J’ai été puni pour ma gentillesse »

Interrogé par le journaliste du Times sur le traitement très violent qu’a reçu Amber Heard durant le procès de la part de l’opinion publique notamment, en comparaison avec l’accueil chaleureux que lui réservaient ses fans, Johnny Depp va même encore plus loin. Johnny Depp établit une comparaison immédiate entre son mariage avec Amber Heard et celui de ses parents. Il assimile ainsi son ex-femme à sa mère, « une femme gentille sur la fin mais qui n’a jamais su traiter correctement les gens avant cela », « qui me terrifiait littéralement enfant, mais que j’aimais profondément aussi » affirme l’acteur.

« Cela ne m’étonne pas d’un point de vue psychologique d’avoir eu besoin à un moment dans ma vie de comprendre comment mon père avait fait pour gérer ça » explique ainsi Johnny Depp. Par ces propos, sans remettre en question son propre comportement violent pourtant exposé au cours des deux procès par le biais de messages, photos, et témoignages, il vient une fois encore pointer du doigt Amber Heard.

Johnny Depp n’hésite pas non plus à mettre en lumière son propre caractère bienveillant, pour souligner la supposée noirceur de celui de son ex-femme. « Quand vous êtes une bonne poire comme moi, vous avez l’impression que vous allez pouvoir aider l’autre (…) Mais j’ai été puni pour ma gentillesse » se lamente-t-il.

Il affirme cependant n’avoir, trois ans après ce procès, aucune rancune. « Je n’ai aucun regret, car on ne peut plus rien faire pour ce qui s’est passé hier, pas vrai ? » s’interroge en conclusion Johnny Depp. Faux. Et heureusement, car sinon #MeToo ne serait jamais né.