Culture

La défense très singulière de Depardieu sur les images du « Complément d’Enquête »

JUSTICE – Audience cinéphile. C’est une drôle de ligne de défense qu’ont proposé ce jeudi 2 octobre les avocats de l’acteur Gérard Depardieu lors du procès où le comédien tente de faire condamner l’émission Complément d’enquête en évoquant un montage frauduleux destiné à faire faussement croire qu’il sexualisait une enfant. Alors que les journalistes de la boîte de production Hikari attaquent, eux, Gérard Depardieu pour « dénonciation calomnieuse », fausse attestation et tentative d’escroquerie au jugement.

Pour cet épineux dossier, le tribunal correctionnel de Paris a donc choisi de réunir les deux procédures en une. Au cœur des débats, une séquence de moins d’une minute sur les 54 de l’enquête de Complément d’enquête (Gérard Depardieu : la chute de l’ogre), comportant des images filmées dans un haras en 2018 en Corée du Nord par l’écrivain Yann Moix lors d’un voyage pour les 70 ans du régime.

La défense de l’acteur français continue d’affirmer que les propos graveleux, obscènes et sexistes tenus par Gérard Depardieu concernaient une femme adulte, que l’on ne voit pas à l’écran et non une enfant à cheval, comme on le voyait sur les images diffusées en décembre 2023 sur France 2. La méprise serait imputable, selon cette version, à une manipulation, un montage frauduleux destiné à faire faussement croire que le comédien sexualisait une enfant dans ce numéro du magazine qui « a fait le double de l’audience habituelle », selon l’avocat Jérémie Assous.

Mais ce jeudi, les débats autour de ces images de Gérard Depardieu ont inspiré une ligne de défense pour le moins surprenante. Car Jérémie Assous comme son confrère Étienne Bodéré s’en sont remis à la fiction cinématographique pour justifier ces propos à connotation sexuelle. Qu’ils concernent ou non une enfant. Un argument fragile mais déjà évoqué par Yann Moix ou l’avocat de Gérard Depardieu. Bien qu’aucune consigne pour le tournage d’une fiction ne soit entendue dans les différents extraits révélés jusqu’ici.

Dans la peau de… Gérard Depardieu

Leurs arguments ? Citer des films méta pour expliquer que « le réalisateur » Yann Moix filmait « l’acteur principal » Gérard Depardieu, qui jouait donc un rôle (le sien) dans le cadre d’une fiction, et non d’un simple documentaire, comme l’a répété au tribunal Jérémie Assous. Une thèse « pas du tout invraisemblable », selon son confrère Étienne Bodéré, citant l’acteur John Malkovich et l’écrivain Michel Houellebecq qui ont joué leur propre rôle au cinéma, respectivement Dans la peau de John Malkovich de Spike Jonze et L’Enlèvement de Michel Houellebecq, téléfilm de Guillaume Nicloux.

Et comme le rapporte Vincent Vantighem, présent au procès pour BFMTV, l’avocat de Gérard Depardieu Jérémie Assous s’est même permis de citer un troisième exemple pour appuyer son argumentaire : le film C’est arrivé près de chez vous de Remy Belvaux, une comédie noire sortie en 1992. « Dans “C’est arrivé près de chez vous” Benoît Poelvoorde voit une gamine de 10 ans et dit “Dans dix ans, elle sucera des bites comme sa mère”. Il joue un rôle ! ». Le film en question suit le tournage d’un faux documentaire sur un tueur en série nommé Benoît « Ben » Pappaert, incarné par Benoît Poelvoorde.

Selon Jérémie Assous, cet argument suffit pour conclure que France Télévisions a « détourné » l’œuvre de fiction de Yann Moix pour la faire passer pour un documentaire.

Plusieurs expertises des images

Gérard Depardieu et Yann Moix étaient absents ce jeudi à l’audience, leurs avocats invoquant des raisons de santé. De son côté, France Télévision répète, après avoir fait authentifier par huissier le passage contesté, qu’« il n’y a aucun doute et aucune ambiguïté sur le fait que c’est bien la jeune fille à l’image qui est ciblée par les propos de Gérard Depardieu ». Mi-mai, une expertise versée à l’enquête pour viols, révélée par Libération et dont l’AFP a eu connaissance, « permet d’établir que des propos à connotation sexuelle ont été adressés à l’égard d’une fillette évoluant sur un poney ».

Dans le cadre de la contestation des images de Complément d’Enquête, la justice a toutefois ordonné une autre expertise afin de déterminer « avec précision toutes les opérations de montage intervenues » et « dans la mesure du possible » à qui s’adressait Gérard Depardieu, selon un arrêt de la cour d’appel. Et si ses résultats ne sont pas connus, Jérémie Assous affirme qu’une note de l’expert « établit de manière ferme et définitive qu’il y a eu montage illicite ».