Culture

La série-docu Netflix sur Outreau rappelle l’horreur de l’affaire et du fiasco judiciaire

NETFLIX – « C’est un cataclysme » affirme la voix tremblante face caméra en 2024 Odile Polvèche. Elle est l’une des accusées de l’affaire d’Outreau à témoigner dans la série documentaire mise en ligne ce vendredi 15 mars sur Netflix. Avocats de prévenus reconnus coupables ou innocentés (parmi lesquelles Eric Dupont-Moretti), victimes, et juges viennent témoigner des années de l’insoutenable affaire d’Outreau. De quoi retracer en quatre épisodes d’environ 45 minutes ce qui est connu aujourd’hui comme le plus grand fiasco judiciaire du siècle.

Le 5 décembre 2000, les enfants de Myriam Badaoui et Thierry Delay, placés en famille d’accueil, se confient à leurs tuteurs. Ils accusent leurs parents de les avoir contraints à regarder des cassettes pornographiques et de leur avoir fait subir des viols. Ils affirment que d’autres habitants de leur immeuble étaient présents, tout comme d’autres personnes extérieures. C’est le début de la tempête Outreau. En quelques mois, ce qui commençait comme une affaire de violences sexuelles et d’inceste devient le centre de l’attention d’un pays tout entier.

Netlifx l’a régulièrement prouvé, récemment avec la série documentaire sur Raël ou il y a quelques années avec la série docu sur le petit Grégory, elle maîtrise à la perfection la narration de ce type d’affaires. Le documentaire signé Marika Mathieu, Camille Le Pomellec, Anna Kwak et Oron Adar vise une fois encore dans le mille. Transcriptions de dépositions et d’interrogatoires (glaçants ), dessins d’enfants, images d’archives et témoignages face caméra s’entremêlent pour replonger les téléspectateurs dans l’horreur.

La mécanique Outreau décortiquée

La série documentaire reprend, point par point, les faits qui ont conduit à l’arrestation de 18 adultes, accusés d’avoir participé à un réseau de pédophilie. Et déroule, épisode après épisode le feuilleton judiciaire souvent à la limite de l’incroyable. Les accusations à la chaîne de voisins de palier et d’étrangers, les aveux puis les rétractations de certains accusés, les théories et rebondissements (les « révélations » sur la ferme en Belgique, le meurtre de la petite fille pour ne citer qu’eux), et surtout les traumatismes.

Il aura fallu trois ans et trois procès aux assises pour que finalement, douze enfants (sur la vingtaine qui avait témoigné) soient reconnus victimes d’abus sexuels, que quatre adultes soient définitivement condamnés, et que treize autres soient acquittés. L’un des accusés est mort derrière les barreaux d’une overdose de médicaments en 2002.

Thierry Delay, Myriam Badaoui, David Delplanque et Aurélie Grenon ont été condamnés à 20, 15, 6 et 4 ans de prison.

Dominique Wiel « le prêtre-ouvrier », Alain Marécaux « le notable », Roseline Godard « la boulangère », Karine Duchochois, Franck et Sandrine Lavier, Pierre Martel « le taxi », ou encore Odile Marécaux, ont eux été définitivement blanchis.

Le témoignage du juge Burgaud

Ce que met en évidence la série documentaire, c’est tout un système : une enquête complexe, qui se heurte un système judiciaire en tenaille et une pression médiatique importante. C’est aussi l’occasion de poser la question centrale de la parole des enfants, mais aussi la responsabilité du juge d’instruction Fabrice Burgaud.

Face aux caméras de Netflix, Fabrice Burgaud revient calmement sur l’affaire qui a brisé sa carrière, mais sans flancher. Suite au naufrage judiciaire, l’Assemblée Nationale a en effet décidé de créer une commission d’enquête parlementaire sur Outreau. Commission qui a mis en lumière en 2006 de nombreux dysfonctionnements : le recours excessif à l’emprisonnement préventif, le non-respect de la présomption d’innocence, ou la trop grande valeur donnée aux expertises psychiatriques. Mais aussi le manque d’expérience et la solitude du rôle du juge d’instruction. « Pour moi, pour nous, il n’a jamais cherché la vérité le juge Burgaud, il n’a fait du travail qu’à charge », défend Odile Polvèche.

Pourtant, plus de 20 ans après les faits, Fabrice Burgaud se veut méthodique. L’ancien juge d’instruction, maintient devant les caméras de Netflix que tous ses actes étaient motivés par des faits, des témoignages précis, et aucunement à charge contre les individus accusés. Il envoie valser d’un revers de la main les accusations de collusion avec Myriam Badaoui. Il n’exprime pas de regrets, ni de remords pour les acquittés. Ses derniers mots sont pour les enfants agressés sexuellement et marqués à vie « Si je dois avoir une pensée, c’est pour les victimes, qu’on a complètement niées. »

Outreau : Un cauchemar français, de Marika Mathieu, Camille Le Pomellec, Anna Kwak et Oron Adar, est disponible sur Netflix.

À voir également sur Le HuffPost :