Culture

Le « forestier de Notre-Dame » dévoile comment il a choisi les chênes de la reconstruction

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NOTRE-DAME – Cinq ans après le terrible incendie, la majestueuse cathédrale du cœur de Paris s’apprête à rouvrir ses portes au public. La dernière visite de chantier effectuée par le président Emmanuel Macron vendredi 29 novembre a permis de dévoiler pour la première fois les images de l’intérieur de l’édifice. Outre la nef, le chef de l’État s’est également rendu sur les hauteurs, et notamment sous la flèche, accompagné de son épouse Brigitte Macron.

L’occasion de découvrir la nouvelle « forêt » pour laquelle des milliers de chênes ont été soigneusement choisis. À la manœuvre, entre autres, de cette sélection minutieuse, Philippe Gourmain, expert forestier et coordinateur de la récolte des arbres pour la flèche de Notre-Dame, au nom de France Bois Forêt.

Le HuffPost. Comment en êtes-vous venu à travailler sur le chantier de restauration de Notre-Dame, et comment s’est-il déroulé ?

Philippe Gourmain : Il y a eu deux phases. La première a été tout de suite après l’incendie. Il a fallu convaincre qu’on avait les chênes et le savoir-faire nécessaire pour tout reconstruire à l’identique. Et puis la deuxième phase a commencé en janvier 2021, quand il a fallu d’abord chercher 1 200 chênes pour la flèche, et 1 200 autres pour la nef.

Quelle est la particularité du chêne et comment avez-vous choisi vos arbres ?

Le chêne est une essence noble, de luxe. C’est une qualité exceptionnelle qui nécessite patience et douceur. On ne le brusque pas. Si on le coupe trop, il pousse plus vite, mais au détriment de sa qualité.

Pour la nef, on a utilisé des bois plus petits de 40-45 cm de diamètre et de 12 à 13 mètres de long. À l’époque médiévale, au moment où a été construite cette partie de la cathédrale, il y avait peu d’outils pour soulever des grosses charges et les forêts étaient pauvres en gros bois, surtout en Île-de-France.

Pour la flèche, c’était plus compliqué, parce qu’il fallait laisser reposer le bois. On a utilisé des chênes de 50 cm de diamètre, mais on a aussi utilisé une dizaine de chênes remarquables, exceptionnels, qui ont plus de 200 ans, qu’on ne trouve qu’en forêt domaniale. Certains affichaient 1 m de diamètre et une longueur de 20 mètres. Cette différence de volume avec la nef s’explique simplement par le fait qu’en 1860, quand Viollet-le-Duc rajoute la flèche, on a des moyens plus faciles pour bouger des gros bois.

C’est incroyable que des chênes qui ont vu passer deux siècles se retrouvent dans des travaux si modernes. C’est une exception française ?

On peut être fier de la continuité historique qu’il y a dans la gestion des forêts en France. On est dans un pays où on peut exploiter des arbres plantés avant la Révolution. C’est une quasi-exception dans le monde, mis à part l’Allemagne peut-être. En tant que forestiers, on était au bout de la chaîne : on allait récolter le fruit de 15 générations de forestiers avant nous.

Ça, on le doit notamment à Colbert qui a changé la façon de gérer les forêts domaniales. À l’époque, l’idée était de laisser se développer des arbres afin d’avoir des bois assez grands pour construire des navires… Et tenir tête aux Anglais qui nous dominaient en mer. Or à l’époque, les forêts étaient surexploitées notamment pour le bois de chauffage.

Où avez-vous trouvé ces presque 2 500 chênes exceptionnels et comment les avez-vous sélectionnés ?

On a pris des chênes dans toute la France, dans des forêts domaniales ou privées, connues et moins connues. Des régions comme le Grand Est, les Pays de la Loire et le Centre étaient certes plus pourvoyeuses, notamment dans la forêt de Bercé, mais on a aussi pris des chênes en Paca, en Occitanie, en Nouvelle-Aquitaine.

En tant qu’expert forestier, je connais mes forêts, je savais très bien où se situaient les chênes dont on allait avoir éventuellement besoin. Dans les espaces domaniaux, c’est par ailleurs très documenté.

Mais il fallait aussi répondre au cahier des charges des architectes qui était très précis : par exemple, il ne faut pas trop de nœuds parce que sinon ça fragilise la poutre à venir. Pour choisir des arbres, il faut les lire, il faut deviner leurs défauts de l’extérieur. D’ailleurs, j’ai beaucoup appris avec les scieurs qui ont aussi un œil et une exigence sur les défauts. C’était aussi le côté magique de participer à la reconstruction de Notre-Dame de Paris.

Vous avez parcouru la France dans tous les sens, et au contact des particuliers. Y a-t-il des rencontres qui vous ont marqué plus que d’autres ?

Les arbres de Bercé m’ont beaucoup ému, mais je me souviens surtout d’une rencontre que j’ai organisée entre un particulier donateur de chênes et Rémi Fromont, l’architecte en chef de la charpente. C’était vraiment la rencontre d’un vieux monsieur de 95 ans agrégé de philosophie avec le jeune architecte. Il nous a accueillis en déclamant des vers. C’était sublime et on était vraiment tous très émus.

Parce que derrière ce chantier, ce sont aussi des histoires de dons. Ce sont des gens prêts à donner l’arbre le plus sublime ou le plus gros de leur jardin. Ce don désintéressé, d’arbres qui peuvent aussi s’inscrire dans l’histoire de toute une famille, c’était vraiment émouvant.

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