Culture

L’esclavage a rarement été raconté par le cinéma français comme dans ce film magistral

CINÉMA – Retour dans le passé. Nous sommes en 1759, et Camille Cottin est Madame La Victoire. Loin des comédies auxquelles elle nous a habitués, l’actrice française est à l’affiche, ce mercredi 18 septembre, de Ni chaînes ni maîtres, magistral premier long-métrage de Simon Montaïrou dans lequel elle incarne une « célèbre » chasseuse d’esclaves.

Ni chaînes ni maîtres n’est pas son biopic. Il raconte l’histoire fictive d’un homme, un esclave du nom de Massamba joué par Ibrahima M’Baye (Atlantique). Sa fille Mati (Anna Diakhere Thiandoum) s’est enfuie en pleine nuit de l’enfer de la plantation de canne à sucre d’Eugène Larcenet (Benoît Magimel). La rumeur court que d’anciens esclaves ont fondé une communauté secrète sur l’Isle de France, actuelle île Maurice. Elle veut les rejoindre.

À peine a-t-elle mis un pied dehors que Madame La Victoire et ses deux mercenaires de fils sont déjà en route pour la traquer. Massamba, de son côté, est tétanisé. Lui qui n’avait jusque-là jamais défié l’ordre colonial décide de faire fi ses habitudes et s’en va retrouver Mati, au mépris du danger et des châtiments imposés par le Code Noir.

Découvrez ci-dessous la bande-annonce :

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Loin du registre comique de Case départ ou du drame conventionnel de Bernard Giraudeau Les Captices d’un fleuve, Ni chaînes ni maîtres fait le pont avec les œuvres reconnues, mais plus confidentielles de certains réalisateurs français ayant eux aussi travaillé sur l’esclavage, comme le documentariste Med Hondo (Les Bicots-nègres, vos voisins), Guy Deslauriers (Passage du milieu) ou la cinéaste Euzhan Palcy (Rue Cases-Nègres).

Il se distingue par son prisme, celui de la résistance des esclaves contre la domination à travers les yeux des « marrons », terme servant à désigner celles et ceux qui, esclavagisés, ont opté pour la rébellion par la fuite.

Non sans violence, mais avec beaucoup de spiritualité, Simon Montaïrou filme le chemin initiatique de ses héros, agents de leurs propres choix, vers leur affirmation face à l’oppression. Son but : remplacer la figure de l’esclave, « symbole de souffrance », par celle du marron, « fier et brave », d’après ses mots dans les notes des productions.

Un hommage aux marrons

Un récit hommage façon survival sur l’histoire oubliée du marronage, que son réalisateur a écrit avec un souci du détail et de la réalité historique. En témoignent les nombreuses références à la culture wolof, comme les divinités Mame Ngessou et Mami Wata, certains rituels, chants et histoires orales.

« La phase de documentation a duré deux ans », raconte le cinéaste. Un livre conseillé par plusieurs historiens l’a aidé : Le marronnage à l’Isle de France : rêve ou riposte de l’esclave ? du chercheur mauricien Amédée Nagapen. « J’y ai découvert une mine d’or sur le quotidien et le mode de vie des esclaves », poursuit-il.

Avant d’ajouter : « J’y ai puisé beaucoup, et notamment ce personnage hors du commun : Madame La Victoire (de son vrai nom Michelle-Christine Bulle), une femme qui était considérée comme le plus grand chasseur d’esclaves de son époque. Elle était si performante qu’elle recevait sa solde directement de la Couronne de France. »

Le « marronage » dans le débat public

« Et on la disait un peu illuminée », ajoute à son tour son interprète, Camille Cottin. Pour cette dernière, Ni chaînes ni maîtres est un film nécessaire « d’un point de vue éducatif et pédagogique », pointant du doigt les conséquences économiques qui ont découlé de la période esclavagiste sur l’île Maurice. « Et malheureusement, on n’est pas débarrassé du racisme », continue l’actrice.

En confrontant le passé, Simon Montaïrou entend mieux raconter le présent. Si les cadavres des marrons échoués sur une plage après avoir tenté de prendre le large font écho à ces hommes ou ces femmes mortes en voulant rejoindre par la mer l’Italie ou la Grèce, le cinéaste voit aussi dans ses héros le refus de se soumettre à l’oppression, sentiment « éminemment actuel ».

Il veut introduire le terme de « marronage » dans le débat public. « On peut marronner d’une oppression liée à son genre, à son identité, à ses origines familiales ou sociales, à sa différence quelle qu’elle soit, estime le réalisateur. Il s’agit de dire non. »

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