L’histoire de ce film sur un livreur à vélo résonne plus que jamais avec la réalité
CINÉMA – La frontière entre réalité et fiction peut être mince, très mince, au cinéma. Et ce n’est pas le réalisateur des films Camille et Hope, Boris Lojkine, qui dira le contraire. Récompensé de plusieurs prix lors du dernier Festival de Cannes, son dernier – et bouleversant – long-métrage L’Histoire de Souleymane sort en salles, ce mercredi 9 octobre.
Nous sommes à Paris et Souleymane Sangare, jeune livreur de repas à vélo originaire de Guinée, a rendez-vous pour déposer sa demande d’asile dans deux jours. Alors que l’heure approche, les galères, elles, se multiplient : un accident de la route, une brouille avec une cliente, une livraison sous tension pour des policiers…
La situation s’enlise. L’homme qui lui louait son profil Uber ne répond plus. Il lui devait une grosse somme d’argent, que Souleymane comptait utiliser pour rémunérer l’homme qui le prépare pour passer son entretien. L’inquiétude monte, elle aussi. « Et si on me prend pour un menteur ? » s’affole Souleymane devant un proche.
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La veille du rendez-vous, il loupe son bus vers le dortoir d’hébergement d’urgence et passe la nuit dehors. Épuisé, il finit par arriver à temps devant l’agente de l’Ofpra, incarnée par Nina Meurisse. Et alors qu’il s’emmêle les pinceaux dans son histoire, elle l’interrompt. Il est encore temps pour lui de dire la vérité. Pourquoi a-t-il vraiment quitté la Guinée ? S’ensuit un monologue déchirant.
Le témoignage d’Abou Sangare
L’Histoire de Souleymane ne rappelle pas seulement les conditions sidérantes et alarmantes dans lesquelles nombre de livreurs de repas sans-papiers travaillent en France. Le film de Boris Lojkine, récompensé d’un prix du jury et d’un prix d’interprétation dans la section Un certain regard à Cannes cette année, fait étroitement écho au vrai témoignage de l’interprète du personnage principal, Abou Sangare.
Né le 7 mai 2001 à Sinko, Abou Sangare a quitté la Guinée à l’âge de 15 ans. La raison ? Sa mère était malade, sujette à des crises d’épilepsie. Sans aucun moyen pour l’hospitaliser, il a pris la décision de partir pour chercher fortune à l’étranger et tenter de lui venir en aide. Elle est décédée peu de temps après son arrivée en France.
Mali, Algérie, Libye, puis Lampedusa en Italie, avant d’arriver dans l’Hexagone… L’odyssée d’Abou Sangare – que Boris Lojkine a reconstituée avec quelques modifications – l’a conduit jusqu’à Amiens, où il vit depuis six ans. Sa première demande de régularisation a été refusée. La deuxième, aussi.
« Mon rêve, c’est de retourner au garage »
Bien décidé à l’employer comme mécanicien, un garage de cette commune de la Somme a refait une nouvelle demande pour qu’il obtienne des papiers, en 2023. Au même moment, Abou Sangare est sélectionné pour tenir le premier rôle de L’Histoire de Souleymane. Un an plus tard, à la veille de sa montée des marches, la dernière décision tombe. Sa demande a été une fois de plus refusée.
Si l’histoire du film nous laisse sans connaître l’avis que va recevoir Souleymane, les équipes, elles, sont bien décidées à ne pas rester les bras croisés dans la vraie vie. Une nouvelle avocate spécialisée en droit des étrangers a été engagée. Et une demande d’abrogation de la décision est actuellement en chemin.
« J’aime le cinéma. Ça m’a permis aujourd’hui d’être avec vous, sur ce plateau, a-t-il confié à Sonia Devillers, dans une interview sur France Inter, ce mois-ci. Mais mon rêve, le jour où j’aurai mes papiers, c’est de retourner au garage où je suis mécanicien. » Il a déclaré vouloir déposer sa quatrième demande ce jeudi 10 octobre, au lendemain de la sortie du film.
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