Culture

On a demandé à cette ex-ambassadrice si la série « La Diplomate » était réaliste

SÉRIE – Kate et Hal sont de retour dans la saison 2 de La Diplomate ce jeudi 31 octobre pour de nouvelles péripéties politiques, et plus encore. Mais à quel point le scénario haletant de la série Netflix avec Keri Russell et Rufus Sewell est-il fidèle à ce que vivent au quotidien les ambassadeurs aux quatre coins du globe ? Pour le savoir, Le HuffPost a demandé son avis à une ancienne ambassadrice.

Sylvie Bermann est une diplomate de métier, ambassadrice de France en Chine entre 2011 et 2014, et en Russie entre 2017 et 2019. Et entre les deux, elle était en poste au Royaume-Uni, comme le personnage principal de la série, Kate Wyler, ambassadrice des États-Unis chez nos voisins d’outre-Manche. Si elle dit avoir aimé la série qu’elle décrit comme « très enlevée, rythmée et amusante », elle explique toutefois que l’intrigue tient selon elle « beaucoup plus de la fiction que du documentaire ».

Pour rappel, dans La Diplomate, Kate est propulsée ambassadrice des États-Unis au Royaume-Uni, et découvre avec l’aide son mari Hal, ancien ambassadeur de renom, un complot national impliquant des élus et d’autres états. En parallèle de ces intrigues stratégiques, elle doit naviguer souvent à vue avec un Premier ministre compliqué, une équipe un peu réfractaire à ses méthodes trop cash, et ses sentiments pour un certain ministre des affaires étrangères séduisant.

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Le premier aspect peu réaliste selon notre expert concerne les relations qu’entretient Kate Wyler avec les pouvoirs en place. « Un ambassadeur ne rentre pas comme ça dans le bureau, ou pire, la chambre du Premier ministre. Ce ne sont pas du tout des rapports quotidiens avec les tout-puissants au bout du fil », précise Sylvie Bermann. Et lorsqu’on l’interroge sur les éventuelles relations personnelles (et plus si affinités), la réponse est encore plus claire. « On peut devenir ami avec des homologues d’autres pays. Mais avec des officiels du pays où on est stationné, ce n’est pas crédible. Ce serait trop difficile, la relation doit rester formelle », affirme-t-elle.

Le réel poids politique d’un ambassadeur

Autre point qui coince d’après Sylvie Bermann : le réel pouvoir décisionnel qui est conféré à Kate. Contrairement à ce qu’illustre la série, un ambassadeur ne devient pas partie prenante d’une stratégie militaire, politique ou antiterroriste. « On ne dicte pas la position britannique, c’est très impérialiste comme vision. Dans la série, l’ambassadrice décide presque de la position du Foreign Office (le bureau des affaires étrangères, ndlr). Le président des États-Unis va peut-être appeler le Premier ministre, mais pas l’ambassadrice. Ce n’est pas elle qui va sauver le monde, or là elle est présentée presque comme une espionne », s’amuse celle qui a publié ses mémoires sous le titre Madame l’ambassadeur.

Les rapports de Kate avec le Premier ministre Throwbridge (Rory Kinnear) et le ministre des affaires étrangères Dennison (David Gyasi) sont d’après elle, fantasmés, car ils mettent de plus l’accent sur un seul et unique aspect du métier. « C’est vraiment multifacettes, on rencontre des députés, des présidents d’université, des entrepreneurs. La série est centrée sur la géopolitique car c’est plus palpitant, mais c’est beaucoup plus large », avance Sylvie Bermann. Un contexte géopolitique d’ailleurs plutôt fidèle à la réalité d’après elle. Et ce n’est pas le seul point de la série.

Les points de cohérence de La Diplomate

L’autre aspect très présent dans La Diplomate, ce sont les relations ténues que Kate entretient avec Eidra Graham, la responsable du bureau londonien de la CIA (incarnée par Ali Ahn). Certaines représentations sont vraies d’après Sylvie Bermann, sur la fréquence des rapports entre un ambassadeur et les services secrets par exemple.

Et sur la manière dont les informations sont échangées, c’est (plutôt) vrai aussi : « C’est même encore plus sécurisé que dans la série. Toutes les discussions sensibles ont lieu dans des chambres sourdes dans les ambassades, qu’on voit d’ailleurs dans la série. Des murs épais, des serrures à code, conçues comme un sous-marin façon cage de Faraday, pour qu’aucune info ne sorte ».

La Diplomate n’est donc, sur ce coup-là, pas très éloignée de la réalité. Tout comme sur les relations entre l’ambassadrice et son numéro 2, Stuart Hayford (Ato Essandoh) « Pour le coup, c’est réaliste : leur proximité, leurs échanges permanents. Ce sont des diplomates professionnels qui connaissent le pays parfaitement, et la série le montre très bien », confirme Sylvie Bermann.

Même chose en ce qui concerne le glamour et les paillettes. La série met en avant cet aspect de la fonction d’ambassadeur, et elle est bien réelle. « Derrière le cliché caricatural des soirées Ferrero Rocher, ça fait complètement partie du job : les cocktails, soirées, inaugurations, expos etc. La fonction de représentation est essentielle », explique Sylvie Bermann.

Pour l’ancienne ambassadrice il y a donc un souci de réalisme, mais insuffisant : « Les lieux sont les vrais lieux, je le sais j’y suis allée. Le contexte géopolitique est proche de la réalité, le cadre est plutôt respecté. Mais ça tient quand même plus du scénario hollywoodien. »

Kate Wyler, pas une vraie « Diplomate »

Pour Sylvie Bermann, les incohérences sont en réalité liées au personnage de Kate Wyler en lui-même. Il y a d’abord les circonstances de sa nomination : « Pour les grands pays comme les USA, les ambassadeurs sont quasiment toujours ce qu’on appelle des political appointee, des grands donateurs qui ont fait gagner le parti. Pas des diplomates de métier comme Kate et Hal. »

Et ensuite, la posture de l’ambassadrice telle qu’elle est représentée dans la série de Netflix. « Elle semble découvrir le métier par moments et pose des questions de novice. Et puis elle n’a pas le comportement normal d’un ambassadeur. Il faut être diplomate, littéralement, mais cela n’empêche pas de savoir se faire entendre », précise-t-elle.

Le caractère de Kate Wyler est-il incompatible avec sa fonction ? Sylvie Bermann semble le penser. « Il faut être honnête, Kate est totalement hystérique. On travaille toujours de manière courtoise, les relations ne sont jamais fondées sur l’émotion, contrairement à la série. Mais sans cela, les téléspectateurs s’ennuieraient », conclut Sylvie Bermann.

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