Culture

On ne mise vraiment pas sur le dernier film des frères Dardenne pour la Palme d’or

CINÉMA – Jamais deux, sans trois ? Les frères Dardenne y croient. Nous, moins. Les cinéastes belges – déjà détenteurs de deux Palmes d’or – tentent le triplé au Festival de Cannes à l’occasion de la projection, ce vendredi 23 mai, de leur dernier long-métrage Jeunes mères. Il s’agit du dixième de leur carrière en compétition officielle.

Fait rare dans leur œuvre : c’est un film choral. Ici, nous suivons cinq adolescentes, tout juste maman ou sur le point de l’être, dans une maison de naissance en bordure de Liège où, pendant un an, elles bénéficient d’un toit et d’un accompagnement dans l’attente de prendre leur décision. Laquelle ? Garder ou non l’enfant.

Car Jessica, Perla, Julie, Ariane et Naïma sont en proie aux doutes, aux incertitudes. Aucune d’entre elles ne veut retrouver l’extrême précarité, ni les familles dysfonctionnelles qu’elles ont connues. Leur but est clair : se sortir de la détresse et apprendre à dire « je » pour (peut-être) devenir responsable pour leur bébé.

Un pitch fidèle aux obsessions des réalisateurs, grands adeptes d’un cinéma dit « social ». Il s’est construit sur le long terme dans cette même maison maternelle près de chez eux, où pendant un an et demi les deux frères de 71 et 74 ans ont tissé des liens avec les jeunes mères, l’éducatrice, la psy et la directrice des lieux.

Découvrez ci-dessous la bande-annonce :

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Là-bas, on s’entraide, on s’écoute et on partage. La violence n’a pas sa place. Les systèmes de domination, non plus. On prend soin les unes des autres. De l’intérieur, la représentation qu’en fait le film est lumineuse. Elle est belle à voir. À l’extérieur, où chacune de ces filles a sa propre vie, c’est bien moins le cas.

Ancienne toxicomane, Julie lutte chaque jour contre ses vieux démons. Perla, contre son alcoolisme et l’abandon du père de l’enfant. Jessica, elle, a bien du mal à renouer avec sa propre mère, qui ne veut pas plus d’elle aujourd’hui qu’elle n’en voulait à sa naissance. Quant à Ariane, comment faire – à l’inverse – pour se défaire du foyer violent où elle a grandi ?

Les Dardenne n’évitent pas le pathos

Aux Échos, Jean-Pierre et Luc Dardenne déclarent : « éviter le pathos est notre défi permanent ». C’est raté. Si le poids du déterminisme social dans les parcours racontés à l’écran est certain, l’accumulation de ces destins brisés est poncive, donnant surtout l’impression de cocher les toutes cases d’un bingo édition spéciale « misère ».

L’angélisme naïf du message sur les lettres et l’art comme remparts n’aide pas. Les dialogues, non plus. Ils sont désuets, et sonnent faux dans la bouche de nos héroïnes, qu’on dirait plutôt vivre au début du siècle qu’en 2025. « De la même manière, on essaie de ne pas les habiller comme est censé s’habiller ce genre de personnages dans nos sociétés », estime Jean-Pierre Dardenne, interrogé par le magazine Trois Couleurs.

Les deux hommes revendiquent un décalage avec la réalité. Pourquoi ? « Pour ne pas être pris dans le folklore du contemporain, du “jeune”, argumente à son tour Luc Dardenne, selon qui la langue est celle du scénario. […] Si on nous propose des injures trop contemporaines, du verlan, on refuse. On identifie trop rapidement une personne à partir de ça. »

Quelles libertés ont-ils accordées aux actrices, toutes débutantes dans le milieu du cinéma ? Si elles ont « rarement » modifié les textes, eux disent les avoir « “laisser vivre” plus que dans d’autres de [leurs] films où [ils étaient] plus obsédés par cette idée de perfection, de chorégraphie du mouvement des comédiens ». Une répétition supplémentaire aurait sans doute été nécessaire.