Culture

« Oxana », portrait poignant de la jeune femme à l’origine des Femen

CINÉMA – Couronnes de fleurs sur la tête, grain de beauté sur la joue, seins nus et poing levé : Oksana Chatchko avait fait de son corps son arme. La co-créatrice ukrainienne des Femen s’est donné la mort à 31 ans le 23 juillet 2018 en France, où elle était réfugiée politique. Sept ans plus tard, la réalisatrice Charlène Favier lui rend hommage dans Oxana, au cinéma ce mercredi 16 avril.

Le film dresse le portrait de l’artiste et de la femme derrière l’activiste. Car si le mouvement Femen créé en 2008 lui survit, c’est à la peinture qu’Oksana Chatchko avait consacré ses dernières années après s’être éloignée des Femen en 2014. Son mantra « L’art, c’est la révolution » sert de fil conducteur au film, comme il l’a été dans sa vie.

Oxana met en lumière le talent peu connu d’Oksana Chatchko pour les icônes religieuses, puis blasphématoires. Charlène Favier a d’ailleurs tenu à rallier la forme au fond : « avec ce film, je voulais recréer un tableau, pour qu’Oksana regagne cette place au centre de l’œuvre qu’elle a inspirée », explique-t-elle au HuffPost. Devant sa caméra, la jeune actrice ukrainienne Albina Korzh est envoûtante dans ce rôle tour à tour mystique, sensuel ou enragé.

Portrait d’une jeune femme

Le scénario a nécessité deux ans et demi de recherches et de rencontres avec les proches d’Oksana Chatchko. Il y a eu sa mère, sa grande amie à Paris l’artiste Apolonia Sokol, plusieurs de ses « nombreux amants », ses professeurs et camarades des Beaux-arts, ainsi qu’Alain Margot, réalisateur du documentaire Je suis Femen. « C’était assez dur de rencontrer toutes ces personnes-là, car j’ai commencé en 2021 peu de temps après son suicide », se remémore la réalisatrice.

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Oxana se fait parfois contemplatif, comme un dialogue interne entre la jeune femme et le spectateur. Plutôt qu’une narration chronologique, Charlène Favier a choisi de faire des allers-retours entre le 23 juillet 2018 et les souvenirs du passé. Cette dernière journée d’errance à Paris a été inventée, même si « ce sont des choses qu’elle a pu vivre à un moment » selon la réalisatrice : on suit Oxana à la piscine, dans son atelier aux Beaux-arts, chez un ses amants, jusque dans son atelier et son petit appartement.

La femme derrière les Femen

Même si elle se montre hésitante avec le terme « biopic », « tout ce qu’il y a dans le film part de la réalité, de choses documentées » confirme Charlène Favier. Certaines scènes sont issues de photos de presse célèbres ou de récits de membres des Femen, comme le violent kidnapping d’Oksana Chatchko et deux amies par le KGB biélorusse.

« Évidemment, on prend toujours des libertés mais je voulais rester très fidèle à ce qu’elle a été. Quand on fait un film pour rendre hommage à quelqu’un, on a la responsabilité de raconter la vérité », nous dit la cinéaste.

Son différend avec Inna Chevtchenko, militante très médiatisée pour avoir fondé Femen France, devenu International, est abordé mais en second plan. « Je ne voulais pas faire un film sur la trahison, c’était plus important de montrer son âme, sa personnalité, son besoin viscéral de militer », explique Charlène Favier.

La cinéaste rappelle aussi les difficultés auxquelles la jeune femme a dû faire face à son arrivée en France, où elle a vécu dans une grande précarité et n’a obtenu l’asile que des années après s’y être réfugiée. « Oksana a été très touchée par le fait de pas être crue », raconte la réalisatrice, qui estime que les premières Femen ont été mal comprises. « On n’a pas pris conscience qu’à cette époque en Ukraine, ce n’était pas du tout les mêmes conditions de vie. Ce n’était pas un pays laïque, c’était le supermarché de la prostitution de l’Europe, tout le monde allait là-bas faire des sales trucs aux nanas », rappelle-t-elle.

Un tournage en pleine guerre en Ukraine

Charlène Favier avait prévu de tourner une partie de son film en Ukraine. L’invasion par la Russie en février 2022, et la guerre qui s’y poursuit depuis, a perturbé ses plans. « On a dû recréer l’Ukraine en Hongrie et tous les castings se sont faits en Zoom pendant 3 ans, c’était long », regrette la réalisatrice.

Mais l’actualité trouve aussi un écho dans son film : les actrices ukrainiennes d’Oxana vivent toutes à Kiev et refusent de quitter leur ville. Comme les femmes qu’elles incarnent, « ce sont des résistantes et de vraies combattantes », estime Charlène Favier. La guerre leur a fait vivre les émotions qu’elles devaient jouer à l’écran : « quand elles sont arrivées en France, elles étaient dans le même état que les personnages en arrivant à Paris : pleines de trauma, de violence et d’anxiété. C’était un catalyseur émotionnel fort pour elles et ça se ressent dans le film », raconte la réalisatrice. Et d’ajouter : « Elles m’ont dit que les femmes qui partent au front en Ukraine sont les nouvelles Femen ».

Les mises en garde d’Oksana Chatchko se sont malheureusement réalisées. « Dans le film, Oxana dit que Poutine était toujours là, qu’il va revenir, que les Européens occidentaux ne font pas assez attention », décrit Charlène Favier, « et le film sort au moment où il se passe ce qu’elle avait prédit, c’est hyper puissant ». Oksana Chatchko n’est, elle, plus là pour en témoigner.

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