Pour la réalisatrice d’« American Psycho » beaucoup de gens n’ont rien compris au film
CINÉMA – Un message pris à contresens. Il y a 25 ans sortait au cinéma le American Psycho de Mary Harron, adaptation du livre de Bret Easton Ellis. Il narrait le récit d’un « golden-boy » de Wall Street qui cachait derrière son image de gendre idéal un psychopathe sanguinaire. Après un accueil mitigé de la part des critiques et des spectateurs en salles, le film a fini par devenir culte avec le temps.
Malheureusement, l’imagerie autour du protagoniste Patrick Bateman, joué par Christian Bale, a aussi été reprise par les sphères masculinistes. Comme Thomas Shelby dans Peaky Blinders ou Tyler Durden dans Fight Club, le trader sanguinaire est censée illustrer la notion « mâle sigma ». Une idée bien loin de celle que s’en fait la réalisatrice du film.
« Je suis toujours aussi perplexe (face à la récupération du personnage, ndlr) », confie Mary Harron dans un entretien pour le Letterboxd Journal. « Je ne pense pas que Guinevere (Turner, la coscénariste) et moi nous attendions à ce que ce soit adopté par les “Wall Street bros”. Ce n’était pas notre intention », ajoute-t-elle.
Une idolâtrie incompréhensible
« Alors, avons-nous échoué ? Je ne sais pas vraiment pourquoi, car Christian (Bale) se moque clairement d’eux… », avoue la réalisatrice. « Mais les gens lisent la Bible et décident d’aller tuer beaucoup de gens. Ils lisent “L’Attrape-cœurs” et décident d’abattre le président », appuie-t-elle.
Elle admet cependant que « TikTok » et « les mèmes » ont contribué à l’engouement autour de Patrick Bateman car il est « est beau, porte de beaux costumes, a de l’argent et du pouvoir ». « Mais en même temps, il est présenté comme quelqu’un de ringard et de ridicule », plaide-t-elle.
Qu’il devienne un symbole de virilité l’étonne d’autant plus, que les deux femmes à la tête du projet l’ont toujours vu comme « une satire de la masculinité par un homme gay ». « L’homosexualité de Bret Easton Ellis lui a permis de voir les rituels homoérotiques de ces mâles “alpha”, qui sont présents dans le sport, à Wall Street, et dans tous les espaces où les hommes valorisent un esprit de compétition exacerbé et leur capacité à “faire des prouesses” », détaille la cinéaste. Pour elle, « Il y a quelque chose de très, très gay dans leur façon de fétichiser l’apparence et la salle de sport ».
Une société « bien pire » qu’il y a 25 ans
Le protagoniste d’American Psycho n’a d’ailleurs jamais été écrit comme un symbole de réussite auquel il est pourtant associé par les masculinistes. « Le fait que (Patrick) Bateman ait été conçu comme une satire d’un vide existentiel typique du capitalisme et de la société de consommation leur passe complètement au-dessus de la tête… », assurait l’académicien Tim Squirrell dans un article de QG.
Une seconde adaptation du roman de Bret East Ellis est en cours de développement par le réalisateur Luca Guadagnino (Call Me By Your Name, Challengers, Queer) et l’acteur Austin Butler (Elvis, The Bikeriders) a été annoncé par le magazine spécialisé Variety comme tête d’affiche du prochain long-métrage. Cette nouvelle représentation de Patrick Bateman pourrait permettre à American Psycho de regagner son sens premier.
Mais rien n’est moins sûr. D’autant que si le premier film sorti en 2000 décrivait déjà « une société prédatrice », 25 ans plus tard, « la société est bien pire » selon Mary Harron. « Les riches sont bien plus riches, les pauvres sont plus pauvres. Je n’aurais jamais imaginé qu’il y aurait une telle célébration du racisme et de la suprématie blanche, ce qui est fondamentalement le cas à la Maison Blanche. Je n’aurais jamais imaginé nous vivrions une telle expérience », conclut-elle en faisant évidemment écho à l’administration de Donald Trump.
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