Culture

Wes Anderson pousse son style à l’overdose avec « The Phoenician Scheme »

CINÉMA – Même une bonne recette peut donner un mauvais plat. The Phoenician Scheme, le nouveau long-métrage de Wes Anderson, sort en salle ce mercredi 28 mai. Dans ce film, présenté au Festival de Cannes 2025 comme l’avaient été The French Dispatch en 2021 ou Asteroid City en 2023, le réalisateur applique son style si particulier à une comédie d’espionnage des plus saugrenues, qui a de quoi finir par lasser même les plus initiés.

Dans celle-ci, Anatole « Zsa-zsa » Korda (Benicio del Toro), un homme d’affaires apatride parmi les plus riches d’Europe échappe miraculeusement au sixième attentat de son avion personnel. Sur le point de mettre en œuvre son dernier plan industriel, et malgré ses nombreux fils, il décide d’organiser sa succession autour de sa fille Liesl (Mia Threapleton), qui s’apprête à devenir nonne. Elle accepte dans le seul but de découvrir la vérité sur la mort de sa mère qui, selon les rumeurs, a été tuée par son père.

Accompagnés de Bjorn (Michael Cera), un tuteur personnel chargé de les instruire, Korda et sa fille se lancent dans un voyage aux quatre coins de la (fictive) Phénécie Indépendante. En allant à la rencontre de partenaires commerciaux, qu’ils doivent convaincre de combler le « gap » financier du projet final. Le trio doit aussi déjouer les tentatives d’assassinats d’une coalition de gouvernements qui veut mettre fin à la vie du riche magnat.

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Un scénario loufoque qui aura de quoi dérouter les néophytes du cinéma de Wes Anderson. A contrario, les amateurs du cinéaste américain retrouveront vite l’esthétique de ses films : un goût obsessionnel pour la symétrie, des tons pastel et un style rétro teinté d’objets anachroniques ou inventés. Tout ça, mis en scène dans des plans fixes semblables à des photos, sur une bande-son toujours impeccablement signée par Alexandre Desplat. Mais ce procédé finement élaboré touche peut-être ses limites cette fois-ci.

Du « Wes Anderson » pour le meilleur et (plutôt) pour le pire

Le « chapitrage », présent depuis La Famille Tenenbaum (2001), revient lui aussi dans une forme particulière, celle de « boîtes à chaussures » contenant chacune un lieu du projet industriel lié à des partenaires commerciaux. Un côté « film à sketches » déjà très présent dans le clivant The French Dispatch se dégage alors des aventures de « Zsa-Zsa » et sa fille. L’occasion, comme d’habitude, de faire la rencontre d’une galerie de personnages hauts en couleurs.

On retrouve une bonne partie du casting d’Asteroid City. Tom Hanks et Bryan Cranston – à la tête d’un consortium ferroviaire – le temps d’une farfelue partie de basket ; Scarlett Johansson en gérante d’un barrage hydroélectrique d’une communauté autonome ; Mathieu Almaric en chef de gang mafieux tenancier d’un club de jazz ; Jeffrey Wright en magnat du transport maritime américain ; ou encore Benedict Cumberbatch en riche cousin ennemi. Une pléthore de stars à laquelle s’ajoutent les petits nouveaux comme Riz Ahmed ou Michael Cera. Initiative banale dans un Wes Anderson, mais qui semble faire un peu fourre-tout ici.

Le réalisateur avoue d’ailleurs dans les notes de production du film avoir pensé la plupart de ses personnages à partir de ses acteurs fétiches. Une pratique pas si inhabituelle mais qui donne cette fois l’impression que l’intrigue va et vient sans trop de cohérence, rythmée uniquement par ces rencontres attendues, qui sont plus ou moins mémorables.

Et là où dans son précédent long-métrage, Wes Anderson réussissait à mettre sa patte à de la SF, cette comédie d’espionnage détourne moins bien les codes de son genre. Certes, les nombreuses destinations traversées par nos héros donnent cette illusion de voyage aux quatre coins du globe, mais en déjouant ou détournant systématiquement les tentatives d’attentats contre Korda, on ressent peu d’intérêt pour le fil rouge du film ou les péripéties de nos héros. Les gadgets utilisés sont peu marquants, comme l’interminable duel de fin contre le grand méchant.

Un héritage en question

Côté intention, la question de la rédemption est au cœur du film, avec des saynètes bibliques se déroulant dans un purgatoire. Et malheureusement, hormis l’apparition de Bill Murray qui signe ici sa dixième collaboration avec Wes Anderson, ces scènes se révèlent peu intéressantes et entrecoupent encore plus un récit déjà bien haché.

C’est seulement dans la relation entre le personnage principal et sa fille qu’on retrouve la force du réalisateur. Comme souvent dans ses films, il aborde les liens familiaux, et cette fois plus particulièrement la filiation. On sent une réelle évolution dans la relation entre ce riche magnat sans morale et sa fille qui, à la recherche de la vérité sur sa mère, fait (un peu) changer son père.

Dans un acte final satisfaisant, mais qui ne rattrape pas une histoire trop inégale, « Zsa-Zsa » Korda trouve d’ailleurs, à sa manière, un autre héritage à léguer en remettant en cause ses principes. Peut-être qu’il est temps pour Wes Anderson de faire de même, afin de nous enchanter à nouveau.

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