« Est-ce que les hétérosexuels vont bien ? » Cet humoriste se le demande, et c’est très drôle
RÉSEAUX SOCIAUX – Avez-vous déjà entendu parler de « Poopmap », l’appli qui localise vos cacas ? Ou de ces hommes qui se rasent les cils pour paraître plus virils ? Nous oui, sur le compte Instagram du Tréma. Depuis plusieurs mois, celui qu’on connaissait pour ses formidables vidéos de chuchotement sur fond d’actu politique s’interroge : « Est-ce que les hétérosexuels vont bien ? »
Une bonne question, qui – comme nous – risque de ne plus vous quitter après avoir scrollé son profil. Le générique du format (qu’il admet avoir généré par IA) y est pour quelque chose. Le niveau d’aberration des contenus qu’il déniche, aussi. Dans cette nouvelle série de vidéos, Maël Coutand de son vrai nom commente façon Zone Interdite le pire des comportements attribués à l’hétéronormativité.
Une « gender reveal party » qui dérape, un couple avançant jusqu’à l’autel dans les flammes, et même une course de spermatozoïdes au microscope… Rien n’échappe à l’œil du créateur de contenus de 37 ans, qui dit s’être lancé dans cette quête pour ne pas s’enfermer dans son ASMR Politics. Depuis, le compteur de likes s’affole, les parodies se multiplient. Un phénomène, qui le surprend lui-même.
Le HuffPost : Comment expliquer le succès de vos vidéos ?
Le Tréma : Ça vient combler quelque chose de peu abordé sur l’hétéronormativité. Ce n’est pas une série sur les masculinistes. Et c’est important de faire la différence, car quand on parle des masculinistes, ça ne permet pas de s’adresser soi-même ces comportements. Or, les femmes peuvent elles aussi les véhiculer. C’est ce que décrit Monique Wittig quand elle parle de l’hétérosexualité comme d’un système d’oppression qui permet d’assurer une domination entre les catégories sociales, puis sur les personnes minorisées.
Par le divertissement, ça parle aux gens, donc. Comment y réagissent-ils ?
Si certains répondent au premier degré pour m’assurer qu’ils vont bien, je suis pour le moment encore épargné des mascus et des fachos. C’est très étrange, mais je ne vais pas m’en plaindre. En revanche, certains ne comprennent pas. Un jour, quelqu’un m’a écrit pour me dire que si on faisait pareil en mettant en lien une vidéo de Bilal Hassani, on crierait au scandale. Euh, « slay » (en français, « c’est de la bombe », ndlr) en fait si on était tous comme Bilal. En réalité, l’inverse existe déjà. Et c’est aussi ce que je veux montrer en dénonçant les comportements normalisant l’homophobie.
C’est quoi les critères d’une bonne vidéo ?
Au début, je cherchais ces vidéos moi-même. Donc oui, mon algorithme était complètement le septième cercle de l’enfer. Je n’osais plus aller sur Instagram ou TikTok. Aujourd’hui, les gens m’en envoient eux-mêmes par dizaines. Dans celles que je choisis, il faut une part d’excès, même si à titre personnel ça ne me dérangerait pas de faire une vidéo à partir d’une gender reveal party classique, tellement ces événements sont révélateurs des principes de l’hétéronormativité. Les vidéos qui marchent le mieux sont en revanche celles avec des comportements aberrants ou complètement « what the fuck », quand on n’arrive même pas à concevoir que c’est possible.
Cela implique de prendre certaines précautions avant de les publier, non ?
J’essaie de diversifier davantage les vidéos, et d’en avoir avec des femmes. En revanche, j’en ai mis quelques-unes de côté car celles-ci m’interrogent sur un potentiel sexisme sous-jacent. Les choix de certaines femmes découlent d’un système de reproduction des comportements hétéronormés. La question du classisme est aussi à se poser. Je me l’étais demandée avec la vidéo de Patrick Sébastien, mais la teneur des propos était bien trop grave. On ne parle pas, ici, de faire tourner les serviettes.
Je ne contacte pas les auteurs, mais en général j’essaie de faire en sorte qu’on ne voit pas leurs pseudos pour ne pas entraîner de harcèlement. Je ne les critique pas individuellement, je critique le système. Récemment, un garçon m’a demandé de supprimer une vidéo dans laquelle il apparaissait car il est étudiant et ne voulait pas qu’un potentiel employeur tombe dessus. Je l’ai fait évidemment, même si c’est dommage. C’était ma vidéo préférée je crois.
Bon alors, est-ce que les hétérosexuels vont bien ?
Non, ils ne vont pas bien. Mais nous non plus (Le Tréma est gay, nldr). Est-ce que ce ne serait pas en partie à cause d’eux ? Derrière cette critique de l’hétéronormativité, il y a une critique du patriarcat, qui fait des victimes, principalement des femmes et des personnes minorisées. Il fait aussi des victimes chez les hommes, qui se mettent des injonctions alors qu’ils sont déjà en situation de pouvoir. C’est débile, car ils disposent de marges de manœuvre pour empêcher ces comportements. En vérité, je documente le bien-être des hétérosexuels pour qu’ils aillent mieux. Et s’ils vont mieux, on ira mieux.