Avec la Seine fermée avant les JO, les bateliers craignent le plongeon économique
JO – Devenu un fleuve baignable, la Seine est avant tout une route maritime essentielle à l’économie. Chaque jour d’été, des navires de fret convoient 15 000 tonnes de céréales, des milliers de touristes embarquent sur des bateaux de croisière, et l’entreprise suédoise Ikea achemine ses meubles depuis son entrepôt de Gennevilliers à ses clients parisiens.
Problème : en amont de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques, la Seine sera fermée à la navigation pendant une semaine, dès ce samedi 20 juillet jusqu’au jour J du vendredi 26 juillet. Et par ricochet, toutes les activités de commerce fluvial seront à l’arrêt, engendrant des pertes économiques importantes.
En pleine période de moissons
Les plus préoccupés par cette fermeture sont les producteurs et transporteurs de céréales. Pendant plus de six mois, ils ont négocié avec la préfecture d’Île-de-France pour finalement obtenir « 6 jours et demi » d’arrêt de navigation contre les 10 jours initialement prévus. « Ce calendrier resserré permet de répondre directement à la première préoccupation des céréaliers, celle de pouvoir transporter quand même, le plus souvent possible, le plus longtemps possible en dehors des périodes plus restreintes », s’était félicité le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, lors d’une conférence de presse en février.
Mais ce compromis ne satisfait pas vraiment les principaux concernés qui rappellent que la fermeture tombe en pleine période de moissons, où des montagnes de grains d’orge, de blé puis de maïs quittent les fermes pour gagner les ports fluviaux en amont de Paris. « Avec les pertes économiques colossales que ça représente, une semaine d’arrêt ne se justifie pas », rétorque Andy Fouquier, transporteur fluvial depuis 2005 sur la Seine, qui a répondu depuis son bateau par téléphone au HuffPost.
« Plusieurs millions d’euros » tombés à l’eau
Avec son navire de 73 mètres de long capable de transporter 120 tonnes de marchandises, il passe par Paris deux fois par semaine pour charger des « céréales et des agrégats, comme de la terre et du charbon ». Une activité totalement contrariée non seulement entre le 20 et le 26 juillet, mais aussi pendant toute la période des JO. « Les jours des épreuves dans la Seine, la navigation sera arrêtée de 2 heures du matin jusqu’à 10 ou 11 heures. Cela concerne au moins 7 jours entre le 31 juillet et le 2 septembre [avec le paratriathlon ndlr] », explique Andy Fouquier qui ne sait pas encore s’il sera indemnisé pour toutes les heures où il sera forcé de rester à quai.
Didier Leandri, président de la fédération des Entreprises fluviales de France (E2F), confirme au HuffPost que les pertes concernant le transport de marchandises se chiffreront à « plusieurs millions d’euros » sur la période des Jeux olympiques et paralympiques. « C’est beaucoup pour une filière qui est constituée presque exclusivement de PME [petites et moyennes entreprises] et TPE [très petites entreprises de moins de 10 salariés] », affirme le président d’E2F, ajoutant que le gouvernement a « heureusement » accepté la tenue d’une « commission d’indemnisation » après les JO.
Une parade fluviale qui fait oublier les déboires économiques
Le fret fluvial ne sera pas la seule activité plombée par la fermeture de la Seine, le secteur touristique aussi risque de tourner au ralenti dans les prochaines semaines. « Déjà, avec l’entrée en vigueur depuis jeudi 18 juillet des périmètres de sécurité, nos clients doivent demander un Pass Jeux pour aller boire un verre sur les péniches en bord de Seine », abonde sur ce point Didier Leandri. Il est formel : « il y aura très peu de clients en plein cœur de l’été, au pic de l’activité touristique ».
L’horizon est encore plus sombre à partir du 20 juillet : « on ne pourra pas faire naviguer les bateaux de promenade. D’habitude, on a plusieurs dizaines de milliers de touristes par jour sur les bateaux d’excursion », déplore celui qui défend les intérêts des acteurs du transport fluvial. Et rappelle des chiffres éloquents sur l’attractivité du fleuve : « 8 millions de passagers traversent chaque année la Seine, en termes de fréquentation, c’est plus que la Tour Eiffel ! »
Malgré les craintes d’un plongeon de l’économie fluviale à l’été 2024, Didier Leandri veut aussi souligner la fierté de participer à la parade fluviale de la cérémonie d’ouverture, lors de laquelle 160 bateaux porteront les 10 500 athlètes entre le pont d’Austerlitz et le pont d’Iéna. La Seine sera sur le devant de la scène, et c’est pourquoi le chef des bateliers veut rester optimiste : « On pense que les JO vont donner une visibilité mondiale au transport fluvial parisien et provoquer un engouement touristique dès l’été 2025 ! » Des retombées positives pour le tourisme dont les transporteurs de marchandises ne bénéficieront, eux, jamais.
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