Economia

Ces économistes (dont un proche de Macron) plaident pour un impôt sur les grandes fortunes

POLITIQUE – C’est mal parti, mais ça ne coûte rien d’essayer. Sauf énorme surprise, le Sénat (dominé par la droite) rejettera ce jeudi 12 juin l’instauration d’un impôt plancher à destination des « ultra-riches », adoptée à l’Assemblée nationale au mois de février. Un mécanisme nommé « taxe Zucman » dans le débat public, du nom de l’économiste de renom qui prône cette mesure.

Dans une tribune publiée ce mercredi 11 juin dans Le Monde, Gabriel Zucman se trouve deux éminents confrères pour appuyer le dispositif : Olivier Blanchard (ancien chef économiste du FMI et professeur au MIT et à L’École d’économie de Paris) et Jean Pisani-Ferry (professeur émérite de politique économique à Sciences Po Paris et ex-directeur du pôle programme et idées d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017).

Ces trois spécialistes préviennent d’emblée qu’ils ont « des avis différents sur la nature du système fiscal idéal et le juste niveau de progressivité de l’impôt ». Pour autant, ils tombent d’accord sur un point : la nécessité de rétablir une justice fiscale considérablement abîmée ces dernières années. « Nous partageons le constat que les plus riches ne contribuent pas aujourd’hui à hauteur de ce qui est demandé aux autres catégories sociales », écrivent ces trois sommités, s’appuyant sur les travaux « de grande qualité » produits par l’Institut des Politiques publiques.

Dans une étude publiée en 2023, l’institution démontre que les classes moyennes paient, en proportion, bien plus que les plus grandes fortunes, qui ont recours à des mécanismes d’optimisation fiscale pour faire baisser leur contribution. Résultat : « alors que l’ensemble des Français acquittent environ 50 % de leurs revenus en impôts et cotisations sociales, tous prélèvements compris, ce chiffre tombe à 27 % pour les milliardaires, soit presque deux fois moins », soulignent Gabriel Zucman, Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry.

« Égalité devant l’impôt »

Au-delà de l’injustice manifeste constatée à travers ce déséquilibre, les trois économistes notent que cette situation pose un réel problème de fond pour la société, puisque celle-ci constitue « une violation du principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt ». Raison pour laquelle ils plaident pour l’instauration d’un impôt plancher sur le modèle de celui adopté à l’Assemblée nationale (2 % sur le patrimoine des foyers fiscaux dont la fortune est supérieure à 100 millions d’euros). Et ce pour une raison simple : un tel mécanisme « s’attaque à toutes les formes d’optimisation, quelle qu’en soit la nature ».

Et c’est bien sur ce point que les économistes insistent, en expliquant que le dispositif vise spécifiquement les très hauts patrimoines ayant recours à l’optimisation fiscale. « Un taux de 2 % ne rendrait pas notre système fiscal progressif, mais il permettrait de faire contribuer les plus aisés autant que les autres catégories sociales, effaçant ainsi sa régressivité », poursuivent les auteurs du texte, soulignant que le risque d’exil fiscal (systématiquement agité comme un chiffon rouge par Emmanuel Macron et au sein du socle commun) est « quantitativement faible » à la lumière des « études existant sur le sujet ».

Quant aux recettes qu’un tel mécanisme pourrait produire, Gabriel Zucman, Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry les chiffrent entre 15 milliards et 25 milliards d’euros par an. Non négligeable au regard de l’ampleur du déficit et à l’heure où le Premier ministre lui-même demande à « tous les Français » de participer à l’effort. S’il va au bout de son raisonnement, les centimillionnaires devraient également participer à la hauteur de leurs revenus.