Economia

C’est quoi cette « TVA sociale » relancée par Bayrou et qui pourrait s’avérer fatale ?

POLITIQUE – « Radioactif », « impôt maudit », « bombe politique »… La litanie des superlatifs employés par la presse la semaine dernière lorsqu’Emmanuel Macron a remis le sujet sur la table traduit bien la complexité de l’ouvrage qui attend François Bayrou. Interviewé pendant près d’une heure ce mardi 27 mai sur RMC-BFMTV, le Premier ministre qui veut demander un « effort à tous les Français » a offert un droit de suite à la parole présidentielle en relançant la piste d’une « TVA sociale ». Appelant notamment à ce que les partenaires sociaux « puissent s’emparer de la question ».

Il s’agirait d’augmenter la TVA pour alléger les cotisations patronales, et donc « faire baisser le coût du travail » tout en augmentant le salaire net sur les fiches de paie. En contrepartie, dans le logiciel de l’exécutif, cette hausse permettrait de financer le modèle social français.

Selon les estimations des spécialistes, une hausse de 1 point permettrait de faire rentrer entre 11 et 13 milliards d’euros dans les caisses. Dans les faits, néanmoins, la TVA contribue déjà au financement de la protection sociale, sa part dans l’ensemble des taxes et impôts affectés à la protection sociale a même été multipliée par cinq depuis 2018, passant de 4 % à 21 %.

Une mesure socialement inflammable, et…

Si François Bayrou prend la question avec des pincettes en appelant les partenaires sociaux à se mettre autour de la table, c’est que la TVA est considérée comme l’impôt le plus « injuste ». Si elle est de 20 % de manière générale et de 5,5 % sur les produits de premières nécessités, tout le monde la paie sans différenciation. C’est donc dans le budget des ménages les plus modestes qu’elle pèse le plus.

Côté partenaires sociaux, l’instauration d’une TVA sociale est réclamée depuis des années par les organisations patronales, Medef en tête, car alignée avec ses demandes de baisse du coût du travail. « Moi je suis tout à fait favorable à ce qu’on rééquilibre le financement du système de protection sociale vers la fiscalité (…) Quant au risque d’inflation, l’expérience démontre, par exemple en Allemagne, qu’augmenter la TVA n’a finalement pas beaucoup d’impact sur l’inflation et que l’économie digère cela assez rapidement », plaidait notamment Patrick Martin le 20 mai dernier sur le plateau de RMC-BFMTV. Autre avantage également cité par le député macroniste Mathieu Lefèvre, la TVA touche aussi les touristes et les importations qui se verraient donc aussi mis à contribution.

Option inacceptable en revanche du côté de la CGT, où l’on préfère parler de « vieille arnaque » et de « TVA antisociale » car elle ferait baisser le pouvoir d’achat des salariés puisqu’elle se répercuterait sur les prix. « Dès lors, si on l’augmente, l’effort demandé est plus important pour les plus modestes », fait-on également remarquer du côté de l’UNSA. Quels seront les produits concernés, avec quelle hausse, et avec quelle assurance de s’y retrouver sur la fiche de paie ? Des paramètres sur lesquels François Bayrou est resté silencieux pour le moment mais qui pèseront sur l’ampleur de la contestation.

… Politiquement dangereuse pour qui s’en empare

Quant à l’historique politique de la TVA sociale, il n’a pas non plus de quoi rassurer François Bayrou. Les souvenirs qu’elle a laissés chez les élus sont amers. En 2007, après le premier tour des législatives, Jean-Louis Borloo alors ministre de l’Économie est acculé par Laurent Fabius en plateau et annonce se pencher sur le sujet. Face au candidat du « travailler plus pour gagner plus », le PS a trouvé son slogan : « Votez contre la TVA à 24,6 % ».

Et ça fait mouche, la vague bleue est ralentie, Jean-Louis Borloo se retrouve vertement accusé par les cadres de l’UMP de leur avoir fait perdre 80 sièges au 2e tour. Trois mois plus tard, Christine Lagarde, qui a repris Bercy, enterre la piste, ne la jugeant « pas propice, en ce qu’elle serait facteur d’inflation et probablement peu créatrice d’emplois ».

Le climat politique actuel n’apparaît pas particulièrement plus adapté. En démontre la précaution avec laquelle Amélie de Montchalin avait contourné le sujet au lendemain de l’émission présidentielle, rappelant qu’il existe « plein d’autres solutions » hors TVA pour rattraper le déficit. Pour François Bayrou, qui vise 40 milliards d’économie dans le budget 2026, les marges n’en demeurent pas moins étroites. Alors que la Cour des comptes a averti lundi d’un risque de « crise de liquidité » de la Sécurité sociale, une augmentation de la TVA est un levier particulièrement puissant.

Mais la gauche n’a pas changé d’avis sur le sujet, – « scandaleux » a réagi l’insoumis Manuel Bompard – et le RN qui a fait de toute augmentation d’impôt une ligne rouge y est opposé. Marine Le Pen y voyait le 20 mai dernier une baisse de pouvoir d’achat en perspective, particulièrement pour les plus modestes. Rappelons par ailleurs que le parti lepéniste a bâti tout son discours sur l’augmentation du pouvoir d’achat autour… de la baisse de la TVA. De quoi donc faire planer à nouveau la menace d’une censure. Sauf que cette fois, la gauche (ex-NFP) et le RN pourraient se trouver alignés sur le sujet. Largement suffisant pour faire chuter François Bayrou.