Economia

Comment le budget du gouvernement a été « démoli » à l’Assemblée nationale

POLITIQUE – « Adoptez votre amendement si vous voulez… » Le ministre Laurent Saint-Martin peinait à cacher son désarroi ce samedi 26 octobre à l’Assemblée nationale, dernier jour de débat sur la partie « recette » de son budget. Une feuille de route totalement réécrite par les députés, parfois à l’initiative de ses propres troupes.

Michel Barnier a fait le choix de « laisser le débat se poursuivre », selon ses mots, quand certains dans son camp prônaient plutôt un usage de l’article 49.3 à l’ouverture des discussions, pour éviter notamment tout « concours Lépine fiscal ». Résultat : Cinq jours d’examen, et de revers cinglants, dans l’hémicycle. Une « entreprise de démolition », pour Philippe Juvin, député du groupe de la droite républicaine.

Concrètement, plusieurs taxes souhaitées par l’exécutif ont été annulées, quand le volet fiscal sur les entreprises a été largement alourdi. Mais pouvait-il en être autrement dans une Assemblée aussi divisée ? Les oppositions ragaillardies ont pu en tout cas compter sur la démobilisation des députés du « socle commun », à des moments clefs et sur la fin des discussions.

Ribambelle de défaites

Samedi, le gouvernement a été défait sur l’alourdissement du malus concernant les véhicules polluants. La disposition a été rejetée par une alliance de circonstance, entre des élus RN, ciottistes, LR, socialistes et communistes. Un peu plus tôt, Michel Barnier et ses soutiens perdaient un vote concernant la CVAE, un impôt de production, rétabli par un amendement du président (LFI) de la commission des Finances Éric Coquerel.

La veille, vendredi, l’exécutif avait déjà subi plusieurs revers majeurs. Sur le prélèvement dédié à l’Union européenne dans le budget de l’État, par exemple. Le Rassemblement national a réussi à raboter ces crédits de 5 milliards d’euros, provoquant le rejet de l’enveloppe globale par les députés, notamment à gauche. Ou sur la fameuse surtaxe des entreprises, dont Michel Barnier espère tirer huit milliards d’euros en 2025 (sur les 60 milliards d’économies.)

La gauche a réussi, via un amendement LFI, à faire sensiblement monter les taux prévus, revendiquant une nouvelle « victoire idéologique ». Résultat : les troupes qui soutiennent Michel Barnier ont été contraintes de supprimer l’article sur la surtaxe temporaire, avec le soutien des députés du Rassemblement national et des députés ciottistes. Selon le ministre du budget, le dispositif modifié à l’initiative du Nouveau Front populaire revenait à prélever « 13 milliards en plus de ce qui est fait (dans le texte initial). » Ce n’est pas tout.

Dans le palmarès du gouvernement, on pourrait également citer les défaites sur la fin du bouclier tarifaire sur l’énergie, la pérennisation de la contribution exceptionnelle demandée aux entreprises de fret maritime ou la création d’un nouvel impôt sur le patrimoine des milliardaires. Autant de victoires arrachées par l’Assemblée nationale, contre l’avis du ministre du Budget Laurent Saint-Martin. Mais pour quelles suites ? En réalité, tout dépend désormais du gouvernement.

Sur les impôts, Barnier n’ira pas « au-delà »

Car si l’exécutif a enchaîné les déboires dans l’hémicycle, il va désormais reprendre la main sur son budget. Sauf grande surprise, l’Assemblée ne parviendra pas à examiner tous les amendements déposés au texte avant ce samedi soir, (il en restait 1900 en début de journée), date théoriquement fixée pour la fin des débats.

Face à cette impasse calendaire, plusieurs options s’offrent au gouvernement : il peut recourir à l’article 49.3 de la Constitution pour passer sans vote et réécrire le texte à sa main, mais aussi renvoyer la suite de l’examen à début novembre – après l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce qui rapprocherait les débats d’une barre des 40 jours au terme desquels le texte passerait directement au Sénat. Enfin, Michel Barnier pourrait aussi tenter d’aller au vote, un rejet du texte (comme en commission des Finances) pouvant également permettre d’envoyer la copie initiale au Palais du Luxembourg, où le rapport de force lui est plus favorable.

Pour l’heure, le Premier ministre et son entourage ne donnent que peu d’indices sur la stratégie à venir. En revanche, on comprend à travers les déclarations du Premier ministre qu’il ne semble pas vraiment enclin à faire évoluer fondamentalement sa feuille de route, et donc à prendre en compte les votes à l’Assemblée nationale.

Tout en expliquant que son budget, « travaillé en 20 jours » est « perfectible », le chef du gouvernement a expliqué vendredi qu’il n’accéderait pas à la « surenchère fiscale » à l’œuvre selon lui l’Assemblée nationale. « On ne va pas augmenter les impôts au-delà de ce que j’ai proposé », a-t-il ainsi assuré lors d’un déplacement dans le Rhône, au chevet des sinistrés. De quoi réduire les victoires revendiquées par les oppositions à des succès surtout symboliques.

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