Des boulangeries ouvertes le 1er mai ? Pourquoi le sujet enflamme le débat politique
POLITIQUE – No pain, no gain. La colère de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française (CNBPF) à propos des règles qui encadrent l’ouverture de leurs commerces le 1er mai trouve un écho particulier dans la classe politique. Rien d’anodin.
Depuis plusieurs heures, de nombreux responsables publics, souvent à droite et à l’extrême droite, s’indignent du fait que les boulangers ne peuvent pas faire travailler leurs salariés cette date-là, jour de la fête des travailleurs. « Je soutiens les boulangers qui souhaitent ouvrir leur commerce le beau jour du 1er mai, avec des salariés évidemment volontaires », écrit par exemple la cheffe de file du RN Marine Le Pen, ce mercredi 16 avril, sur le réseau social X.
Une offensive qui n’est pas dénuée d’arrière-pensée politique, tant elle permet de cibler le pouvoir en place, en l’occurrence le gouvernement de François Bayrou, et d’avancer ses propres pions, avec comme matière première un aspect phare de l’identité nationale : le pain et son artisan.
Au secours de « la France qui se lève tôt »
En clair : « Qu’y a-t-il de plus Français que le boulanger avec sa baguette, accueillant petits et grands dans sa boutique ? », selon les mots de Philippe Moreau Chevrolet au HuffPost, en janvier 2023. Ce spécialiste en communication politique expliquait à l’époque que « les boulangers cumulent beaucoup d’attributs qui les rendent particulièrement attractifs pour les politiques », « c’est la ’France qui se lève tôt’, vers 3 heures du matin, c’est la France qui travaille, c’est la France traditionnelle, celle de la baguette. C’est aussi une France modeste et populaire. »
Il y a deux ans, les partis se mobilisaient (à grand renfort d’artifices de communication à l’extrême droite) pour dénoncer l’explosion de la facture d’électricité des boulangers sur fond de guerre en Ukraine. Une façon de critiquer la déconnexion du pouvoir vis-à-vis des difficultés des Français. Désormais, c’est donc le débat autour du 1er mai qu’ils sont nombreux à investir, pour fustiger peu ou prou la même chose. En l’occurrence la propension des gouvernants selon eux à empoisonner la vie des travailleurs, par excès de zèle. Un thème assez porteur dans l’opinion.
« Quand ce gouvernement va-t-il laisser les Français travailler ? », s’interroge par exemple Marine Le Pen dans son message, quand son allié Éric Ciotti dénonce une « mesure absurde et antiéconomique. » « Les boulangeries doivent pouvoir ouvrir le 1er mai ! », insiste-t-il.
Dans la même veine, le maire de Cannes David Lisnard, libéral revendiqué, appelle lui aussi sur les réseaux sociaux à « laisser la liberté de travailler à ceux qui veulent travailler » le 1er mai. Et d’ironiser : « L’année dernière, des boulangeries ont été condamnées pour avoir ouvert un 1er mai. L’inspection du travail peut donc travailler un 1er mai pour traquer et empêcher de travailler ceux qui veulent travailler. »
Changement de ton au ministère du Travail
Sur le papier, les règles qui encadrent l’activité des boulangeries ce jour précis sont claires : le 1er mai, fête des travailleurs, est obligatoirement chômé pour les salariés, sauf dans certains domaines indispensables, comme la santé. S’il le souhaite, un boulanger chef d’entreprise peut donc travailler et ouvrir son commerce, mais sans ses salariés. Des dérogations sont toutefois prévues s’il peut justifier du caractère « indispensable » de son activité, si sa boulangerie livre par exemple des Ehpad ou des hôpitaux.
Signe de la sensibilité du sujet, exacerbée à l’heure des promoteurs de la « tronçonneuse » anti-bureaucratisation, les revendications de la Confédération de la boulangerie-pâtisserie sont soutenues également par des élus macronistes ou philippistes. L’ancienne ministre Olivia Grégoire appelle par exemple à ne pas « empêcher » l’activité des « salariés des boulangeries qui veulent travailler ce jour-là. »
Dans ce contexte, le gouvernement paraît embarrassé. Interrogé par Le Figaro mardi 15 avril, l’entourage de Catherine Vautrin (ministre du Travail et de la Santé) se bornait à rappeler les règles en vigueur, en insistant au passage sur le fait qu’elles ne « sont pas nouvelles ». En effet, la date a été instituée définitivement comme jour férié, chômé et payé en 1948. Quelques heures plus tard, ce mercredi, la ministre dédiée Astrid Panosyan Bouvet a semblé pour sa part soutenir la CNBPF contre une loi aujourd’hui « difficilement compréhensible », selon elle.
« Cela relève de l’inspection du travail. Il faut faire le pari de l’intelligence, ce sont des métiers importants, si c’est une base volontaire, que les gens ont envie de s’organiser avec des compléments de salaire, on doit pouvoir laisser les choses », a-t-elle plaidé sur BFMTV, en se montrant ouverte à une évolution législative. Difficile d’envisager toutefois une baguette magique d’ici le 1er mai.
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