Economia

En visant l’abattement fiscal des retraités, l’exécutif réveille le risque d’une fronde

POLITIQUE – Socialement, politiquement… Le sujet est à tous points de vue éminemment inflammable, ce qui n’a pas empêché la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, d’allumer avec un brin de témérité la mèche dans un entretien publié dans l’édition dominicale du Parisien. Pour faire ses 40 milliards d’économies sur le budget 2026, le gouvernement entend s’attaquer aux niches fiscales, et parmi elles, « à titre personnel », Amélie de Montchalin n’écarte pas l’abattement fiscal de 10 % dont bénéficient les retraités. Ballon d’essai ou vraie proposition ?

Concrètement, quand un retraité déclare ses revenus de l’année, un abattement de 10 % est automatiquement appliqué plafonné à un peu plus de 4300 euros. Cet abattement fiscal a été introduit en 1978 pour mettre les retraités à égalité avec les actifs qui bénéficient eux aussi d’une déduction fiscale automatique de 10 % de leurs revenus, pour frais professionnels. Selon la Cour des comptes, l’abattement des retraités représente 4,5 milliards d’euros de manque à gagner pour les finances publiques.

Sauf que dans la macronie, comme du reste dans une bonne partie de la classe politique : c’est bien connu toucher à la mèche des retraités, c’est prendre le risque de ne jamais retrouver l’extincteur.

Menaces venues de la gauche et des syndicats

Et de fait, dès ce lundi matin, dans une combustion quasi spontanée, le RN a, à l’évocation de la fin de cet abattement, remis sur la table, la menace d’une censure du gouvernement. « Plus ils sont mauvais, plus on paye, mais où on est ? », s’est faussement interrogé le député RN Laurent Jacobelli dans la matinale de TF1, confirmant comme c’est régulièrement le cas du parti lepéniste que le sort des retraités est une véritable « ligne rouge ». De l’autre côté de l’échiquier, l’insoumis Éric Coquerel a accusé l’exécutif, sur BFMTV, de « cibler les retraités plutôt que les riches ».

Surtout alors que le printemps s’annonce déjà compliqué pour François Bayrou – son audition sur Bétharram, les congrès LR et PS qui pourraient bousculer la stabilité de l’exécutif, ou encore la fin du conclave sur les retraites -, la sagesse appelle à ne pas minorer les colères des corps intermédiaires. Or les syndicats sont à la quasi-unanimité contre cette mesure.

En mars dernier, déjà, pas moins de sept organisations de travailleurs s’étaient fermement opposées à ce qui était à l’époque une piste proposée par le Medef. Seule la CFDT semble ouverte à la discussion sur cette mesure, qui a par ailleurs le soutien de Gilbert Cette, économiste proche de Macron, et président du COR.

Autant dire qu’après un conclave qui sera forcément décevant pour les centrales qui exigeaient un bougé sur la retraite à 64 ans, les syndicats pourraient être tentés d’installer un bras de fer dans la rue. Comme ils l’avaient d’ailleurs déjà fait en 2017 lorsqu’Emmanuel Macron avait voulu augmenter la CSG pour les retraités.

Une fragilisation du socle commun

Pis, toucher aux revenus des retraités c’est aussi prendre le risque de fragiliser une alliance gouvernementale qui a tendance à marcher de guingois, comme l’ont déjà montré les questions autour de la fin de vie ou des listes paritaires pour les communes de moins de 1000 habitants.

Ainsi Laurent Wauquiez, certes en plein duel avec Bruno Retailleau pour prendre la tête de LR, n’a pas tardé à tancer radicalement une mesure qui augmenterait les impôts des retraités. Même Karl Olive, député Ensemble pour la République et macroniste convaincu, est « fermement opposé » à la suppression de l’abattement fiscal. « Cette mesure serait profondément injuste envers des femmes et des hommes qui ont travaillé toute leur vie, cotisé sans faillir, et qui méritent aujourd’hui respect et considération », a-t-il tancé sur X.

La ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet sait d’expérience à quel point les retraités sont un sujet qui crispe en macronie, tant ils sont une population qui représente un filon électoral déterminant. En suggérant à l’automne dernier de les faire contribuer un peu plus, elle avait déclenché un tollé, y compris au sein de son camp. Une inflammation telle qu’elle avait poussé Matignon à temporiser immédiatement. À trop vouloir affûter la trancheuse du budget 2026, attention à ne pas trop aiguiser les appétits des uns et des autres.

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