La chasse aux niches fiscales, piste explosive pour gouvernement en quête d’économie
POLITIQUE – Premier épisode de la nouvelle mission impossible. Depuis que François Bayrou a confirmé l’ampleur des efforts à réaliser pour le prochain budget, le gouvernement avance à tâtons. Les ministres de Bercy rechignent à préciser les leviers réellement envisagés pour trouver les fameux 40 milliards d’euros d’économie, et ramener le déficit à 4,6 % du PIB.
Dans ce brouillard ambiant, une piste émerge malgré tout : la chasse aux niches fiscales. Ces dispositifs dérogatoires, au nombre de 470 environ en 2025, représentent un manque à gagner pour l’État d’environ 85 milliards d’euros chaque année.
L’idée de réduire la voilure est donc alléchante dans le contexte actuel, comme l’expliquent Eric Lombard ou Amélie de Montchalin. « Aujourd’hui, 25 % du rendement de l’impôt est réduit par des niches, assure ainsi la ministre des Comptes publics dans un entretien au Parisien, samedi 19 avril, en précisant son intention d’en diminuer l’ampleur et le nombre en commençant par supprimer au moins 50 d’entre elles. » Les plus « inutiles », bien sûr, pour un total estimé entre 4 et 8 milliards d’euros. Mais est-ce aussi simple ?
Petites niches, petit rendement
Solution presque magique (car indolore) sur le papier, le défrichage des niches fiscales peut devenir un bourbier pour le gouvernement. C’est avant tout une question d’ordre de grandeur. Pour réussir sa mission, sans provoquer trop de remous, Bercy vise surtout les dispositifs à faible portée, ceux qui bénéficient à moins de 100 contribuables ou entreprises. Problème : ce rabotage ne sera pas suffisant.
Selon les calculs du média spécialisé Moneyvox (confirmés par la direction du budget), on compte aujourd’hui 69 mini-niches fiscales. Elles bénéficient par exemple aux entreprises de création de jeux vidéo, aux sociétés d’assurance mutuelles ou à l’encouragement du logement social en outre-mer. Or, leur suppression pure et simple permettrait de récupérer à peine 2 milliards d’euros.
Qui plus est, le dispositif visant à alléger les impôts des armateurs (comme le géant CMA CGM) représente à lui seul… 1,3 milliard d’euros. Étant donné qu’aucun gouvernement n’a souhaité pour l’heure le remettre en cause, malgré les assauts de l’opposition, le compteur reste bloqué autour du milliard. Il faudra donc que François Bayrou et ses ministres élargissent leurs critères, s’ils veulent récupérer le magot escompté.
En clair, si le gouvernement veut être efficace, et faire des économies par milliards sur les niches fiscales, il a deux options devant lui : sabrer de nombreux dispositifs dérogatoires, bien plus que les 50 évoqués par Amélie de Montchalin, au risque de se mettre à dos autant de secteurs ou de catégories de la population qui en bénéficiaient. Ou, viser les niches les plus importantes, au prix de choix politiques claires, et donc éruptifs sans majorité absolue à l’Assemblée nationale.
La niche des retraités, révélateur d’un débat risqué
Ainsi, les ministres pourraient viser les 12 niches fiscales les plus conséquentes. Elles représentent, à elles seules, la moitié des fameux 85 milliards d’euros annuels. Mais toutes, du crédit d’impôt recherche pour les entreprises (7,7 milliards), au crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile (6,9 milliards), auront des défenseurs acharnés dans le débat public.
La macronie a par exemple déjà montré qu’elle refusait d’endosser des politiques pouvant revenir sur la politique « bro-business » d’Emmanuel Macron. Sans parler de l’hypothèse qui revient à mettre à contribution les retraités, un tabou tenace dans tous les camps, comme le montrent les récentes réactions à la prise de position d’Amélie de Montchalin sur l’abattement fiscal de 10 % dont ils bénéficient.
Estimant que l’on « ne peut pas indéfiniment mettre à contribution les actifs pour financer les nouvelles dépenses sociales liées au vieillissement », la ministre des Compte publics a expliqué dans Le Parisien que le conclave des partenaires sociaux aura à se pencher sur « les avantages pour les retraités. » Sans exclure, donc de toucher in fine à leur niche fiscale. Une hérésie, pour une partie des oppositions. Invitée de Dimanche en politique, sur France 3, ce 20 avril, l’insoumise Manon Aubry a dénoncé une logique « facile qui s’en prend aux retraités ».
Au même moment, le député du Rassemblement national Thomas Ménagé parlait d’une « mauvaise idée », dans l’émission Questions politiques, organisée par Le Monde et Radio France. « Je suis profondément choqué parce que ça va à l’encontre de tout ce qui a été dit. On nous a promis “pas de hausse d’impôts”, au final ça va être 500 000 retraités qui vont être imposés », a-t-il fustigé. Autant de réactions qui illustrent bien toute la difficulté de la tâche qui attend François Bayrou et le gouvernement dans sa guerre des niches.
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