La déroutante méthode Bayrou peut-elle survivre à la construction d’un budget ?
POLITIQUE – Le budget maudit, saison 2. François Bayrou convoque une conférence ce mardi 15 avril pour prendre à témoin les Français sur la situation « critique » des finances publiques et marquer le coup d’envoi d’un nouvel épisode budgétaire périlleux. Objectif : trouver 40 milliards d’euros d’économie, pour ramener le déficit à 4,6 % du PIB en 2026.
Après des échanges prévus à huis clos, présentés comme un « comité d’alerte sur le budget », le chef du gouvernement devrait s’exprimer lors d’une conférence de presse. « Ce moment-là sert à la fois à dire où on en est et où on veut aller », résume-t-il dans les colonnes du Parisien, à l’aune de ce qu’il voit désormais comme un « Annapurna » de difficultés.
Cette grand-messe, qui réunira les ministres Eric Lombard (Économie) et Amélie de Montchalin (Comptes publics), des parlementaires ou des organismes de sécurité sociale, mais qui ne devrait déboucher sur aucune annonce concrète, illustre la méthode du centriste depuis qu’il est à Matignon. Entre flou politique et ouverture au dialogue. Une certaine forme d’habileté qui lui a permis de réussir là où son prédécesseur a été renversé. Mais jusqu’à quand ?
Des rustines à la page blanche
L’équation, pour François Bayrou, est bien plus complexe aujourd’hui qu’elle ne l’était en janvier dernier. Nommé à Matignon après la chute de Michel Barnier, le Béarnais a repris la feuille de route budgétaire préparée par l’équipe du Savoyard pour l’exercice 2025 (quitte à en méconnaître certains points majeurs), en arrachant un accord de non-censure avec le Parti socialiste après de maigres concessions. Façon rustine.
Aujourd’hui, le président du MoDem part d’une page blanche, tandis que le doute traverse son propre camp sur sa communication et sa vision, souvent brouillonne, parfois illisible. « Bayrou, c’est un très grand malin. Sa méthode, c’est d’être immobiliste pour les sujets qui l’ennuient, et de bouger sur des sujets qui l’intéressent, et souvent secondaires », tranche par exemple un ministre de droite auprès du HuffPost, en résumant ainsi, le style du locataire de Matignon : « Il ne se passe rien, mais on s’agite toujours. » Rude.
De fait, la maestria Bayrou a perdu de son éclat depuis l’adoption, aux forceps, des budgets de l’État et de la Sécurité sociale mi-février. Critiqué par certains de ses alliés pour son immobilisme ou son manque d’ambition réformiste, fragilisé par les dissensions tenaces au sein de son gouvernement, le Premier ministre, au plus bas dans l’opinion, voit sa méthode se heurter au contexte politique et économique difficile. Le conclave sur la réforme des retraites en est l’exemple.
Avec cet objet politique non identifié, le chef du gouvernement voulait convaincre les socialistes de ne pas le censurer en janvier, en marge notamment des discussions budgétaires, tout en plaçant les partenaires sociaux au centre du jeu. Comme un gage de renouveau, après plusieurs années marquées par l’affaiblissement du dialogue social et le pouvoir vertical exercé par Emmanuel Macron. Une promesse qui a fait long feu.
La méthode sur le budget 2026 déjà critiquée
Quelques semaines plus tard, François Bayrou s’est mis les syndicats à dos. La raison ? Avoir contraint leur travail par petites touches, réduisant à néant leurs marges de manœuvre sur leur principale revendication. Son « non » à tout retour aux 62 ans pour le départ à la retraite, sous la pression de ses alliés, alors qu’il promettait pourtant des concertations sur le sujet « sans aucun totem » ni « tabou », a fini d’exacerber les tensions et de réveiller les envies de censure.
Dès lors, la préparation du budget 2026 apparaît comme un juge de paix pour le chef du gouvernement et sa méthode. S’il souhaite ouvrir largement les discussions (aux oppositions ou associations d’élus par exemple), le centriste sera malgré tout contraint de sortir de l’ambiguïté et d’arbitrer les désaccords.
Ils promettent déjà d’être nombreux, au sein même de son propre camp, sur les impôts, les sources d’économies ou les catégories de la population qui seront appelés à supporter « l’effort » réclamé. Symbole de cette situation déjà éruptive : Les élus de la puissante AMF (Association des maires de France) boycottent la conférence ce mardi et dénoncent « une forme de mépris » dans l’organisation brinquebalante de ce rendez-vous. Une simple « séquence de communication » pour servir le Premier ministre, selon eux.
Dans ce contexte, il n’est donc pas anodin de voir François Bayrou essayer de temporiser, ou repousser, un moment qui promet d’être révélateur. Après la conférence, ce mardi, « il y aura trois mois et demi, de mise au point, d’avancée, vers des décisions », explique-t-il auprès du quotidien, en rappelant que le budget est « habituellement présenté en septembre ». Avant ou après l’été, les rustines quoi qu’il en soit ne suffiront plus.
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