Economia

La menace radicale de la Cour des comptes pour s’assurer l’écoute du gouvernement

POLITIQUE – Il en a ras la calculette. Pierre Moscovici a lancé une sérieuse mise en garde ce mercredi 16 avril, devant la presse, puis à l’Assemblée nationale où il était auditionné. La Cour des comptes, dont il est le président, pourrait refuser de certifier les comptes de l’État si ses recommandations ne sont pas mieux écoutées. Une arme particulièrement puissante et aux implications nombreuses.

« J’aimerais vous faire part, non pas de ma mauvaise humeur, mais de ma très mauvaise humeur s’agissant des suites – ou plutôt de l’absence systématique de suites – qui sont données à l’acte de certification que nous publions annuellement », a lancé Pierre Moscovici, en présentant divers documents dont la certification des comptes de l’État pour 2024.

« J’imagine la situation d’une entreprise » où le commissaire aux comptes « certifierait les comptes avec de fortes réserves ou ne les certifierait pas, et où le conseil d’administration dirait “on s’en fiche” : l’État fait ça, la Sécurité sociale fait ça », a-t-il cinglé avant de regretter que les réserves formulées par ses services soient « prises à la légère ou contestées ».

Alors qu’au contraire, elles devraient « faire l’objet de toute l’attention de l’administration pour les faire disparaître », a-t-il estimé. Or, « pour la 19e année consécutive, les comptes de l’État ne sont pas en mesure d’être certifiés sans des réserves très significatives », a souligné Pierre Moscovici en menaçant même, faute « de progrès significatif en 2025 » de ne pas certifier les comptes.

Le manque de moyen de pression sur l’État

La problématique soulevée par l’ex-chef de Bercy est d’ailleurs apparue également dans le rapport sur le dérapage des finances publiques, officiellement publié mardi. Dans sa déposition, le Haut conseil aux finances publiques, qui dépend de la Cour des comptes, évoquait une véritable « arme nucléaire » pas forcément adaptée.

« Soit nous qualifions le budget d’insincère, ce qui reviendrait en quelque sorte à utiliser l’arme nucléaire, c’est-à-dire à provoquer de facto l’inconstitutionnalité du PLF ; soit nous recourons à l’utilisation qualitative d’une sémantique délicate (…) “optimistes”, “élevés” jusqu’à “irréalistes” et, pourquoi pas, “incohérents”. Mais une fois cela écrit, il ne se passe pas grand-chose », déplore le HCFP.

D’ailleurs, Pierre Moscovici a eu de nouveau des mots très durs sur le budget 2024, concocté à l’automne 2023 avec des prévisions qui se sont révélées trop optimistes, des équipes dirigées alors par Bruno Le Maire, notamment un déficit public annoncé à 4,4 % du PIB qui a dérapé à 5,8 %. Regrettant qu’il n’y ait pas eu de loi de finances rectificative début 2024 pour tenir compte de dérapages déjà constatés en 2023, Pierre Moscovici a dénoncé « la gestion erratique, le pilotage à vue, la succession de reports, gels, surgels, coups de rabot » qui ont émaillé l’année dernière.

Sur 2025, « c’est un peu mieux, il faut le reconnaître », même si « nous observons encore soit de légers biais optimistes, soit des risques qui ne sont pas tout à fait évalués », a-t-il signalé. Le gouvernement qui s’affaire déjà pour 2026 est néanmoins prévenu.

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