« Le prix de la désindustrialisation est plus que jamais insupportable »
TRIBUNE – En annonçant la suppression de 600 emplois parmi sept sites de production en France, soit 10 % des effectifs concernés, ArcelorMittal n’a pas seulement plongé des territoires et des salariés dans l’incertitude et la crainte. Le groupe n’a, une nouvelle fois, pas tenu parole ni respecté ses engagements.
Après avoir arrêté les hauts-fourneaux d’Hayange et fermé l’aciérie de Serémange, il y a 12 ans, abandonné des projets d’avenir comme le captage de CO2 à Florange, ArcelorMittal a cyniquement renoncé à un projet majeur d’électrification d’un des plus grands hauts-fourneaux d’Europe, celui de l’aciérie de Dunkerque. Ce site est un fleuron industriel mais aussi le principal émetteur de CO2 du pays.
ArcelorMittal, qui a versé 9 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires depuis 2020, n’a consenti aucun investissement substantiel sur l’outil de production en France depuis 2013, malgré les 364 millions d’euros d’aides publiques perçues sur cette période et la promesse d’une subvention publique de 850 millions d’euros pour ce projet.
En ce 1er mai, journée internationale des travailleurs, nous serons mobilisés aux côtés des organisations syndicales à Dunkerque et partout dans le pays pour dire notre refus que les Françaises et les Français soient ainsi dépouillés de leur souveraineté industrielle parce que l’État a choisi d’assister, désarmé et impuissant, aux décisions cupides et de courte vue d’une entreprise multinationale.
Destruction d’emplois, perte de compétitivité, baisse du pouvoir d’achat : le prix économique de la désindustrialisation est depuis longtemps cher à payer ; il est plus que jamais insupportable. Quelques jours après l’abandon de Vencorex à l’appétit chinois, cette décision cynique d’ArcelorMittal appelle une réaction ferme, un changement de méthode et de nouveaux outils, pour réarmer la puissance publique. Les sermons, les rappels à l’ordre et les effets de manches du gouvernement ne sauraient suffire.
Une hypothèque sur les actifs de l’entreprise
Nous proposons de conditionner toute nouvelle aide publique, de l’État ou des collectivités, à un plan de mutation se fixant pour objectifs prioritaires la préservation de l’emploi et la transition énergétique de la production. C’est la planification écologique et industrielle que nous appelons de nos vœux. En cas de non-respect de ces engagements, nous proposons que le montant des aides perçues soit automatiquement converti en actions et en droits de votes doubles. En détenant ainsi une forme d’hypothèque sur les actifs de l’entreprise, ou d’une minorité de blocage sur ses décisions, la puissance publique reprendrait la main sur ses orientations stratégiques, et pourrait intervenir rapidement dans des situations similaires.
Avec les députés socialistes et apparentés, nous déposerons également dans les prochains jours une loi d’urgence motivée par les enjeux de souveraineté nationale, s’inspirant de l’exemple britannique avec British Steel, afin de mettre sous tutelle de l’État le site d’ArcelorMittal de Dunkerque. Cette loi obligera l’entreprise à y poursuivre l’activité et à préserver l’emploi, y compris à perte, pendant une période donnée, le temps de trouver un repreneur, d’effectuer un tour de table auprès d’investisseurs ou de mettre en œuvre une nationalisation partielle du site. Produire de l’acier en France sans dépendre du charbon américain ou chinois, c’est un enjeu majeur de souveraineté et de compétitivité.
La renaissance industrielle ne peut plus se payer de mots. À Dunkerque, comme dans l’ensemble des bassins industriels, la puissance publique doit créer les conditions de l’innovation et de la compétitivité. L’État, aux côtés des collectivités territoriales et des Régions en particulier, doit faire respecter les engagements pris, et préparer l’avenir.
Afin de reconstruire notre souveraineté, nous devons relancer des filières alimentées par une commande publique offensive, garantissant des débouchés à nos industriels pour investir, robotiser et digitaliser afin de monter en gamme comme en volume, dans l’automobile, le bâtiment et notamment la rénovation énergétique, le développement des énergies renouvelables et, désormais aussi, la défense, un gisement à structurer pour un État enfin stratège industriel. Nous devons décarboner nos industries, pas uniquement pour atteindre nos objectifs de neutralité carbone d’ici 2050, évidemment essentiels, mais d’abord pour nous libérer de la dépendance à nos fournisseurs de gaz et de charbon et redevenir compétitifs.
Le déclenchement d’une guerre commerciale par Donald Trump n’a fait que confirmer ce mouvement profond de l’économie mondiale : nous sommes entrés dans une nouvelle guerre froide économique, et nous ne pourrons compter que sur nous-même.
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