Economia

Les partisans de cette réforme des retraites en France vraiment embarrassés à cause de Trump ?

POLITIQUE – « De toute façon, quand on prononce le mot capitalisation, c’est presque de l’ordre freudien, il faudrait trouver un autre mot », s’agace le député LR Philippe Juvin. Donald Trump n’en a certainement pas conscience mais le chaos qu’il a semé dans les bourses du monde entier avec ses droits de douane a réussi à percuter un vieux serpent de mer tricolore : la retraite par capitalisation. De fait, outre-Atlantique les salariés cotisent pour leurs vieux jours via des fonds de pension. Un chiffre de la FED est particulièrement parlant : les personnes âgées de 55 ans et plus détiennent 79 % des actions et des fonds de placement des ménages aux États-Unis.

Alors que des Américains ont vu ce capital perdre des dizaines de milliers de dollars en valeurs boursières, les opposants à la retraite par capitalisation ont saisi la balle au bond. « Alors ? Quelqu’un a des nouvelles de ceux qui veulent la retraite par capitalisation ? », a notamment ironisé sur X le député insoumis, David Guiraud. « Les bourses mondiales dévissent (…) Et personne, bizarrement, à droite et à l’extrême droite pour nous parler aujourd’hui de leur projet de retraite par capitalisation… », s’étonne, sur le même ton, son collège communiste Fabien Gay.

En France, le système par répartition obligatoire – où les actifs actuels financent les retraites actuelles – est régulièrement pointé du doigt pour des raisons déficitaires et démographiques, lesquelles se trouvent d’ailleurs au cœur du conclave lancé par François Bayrou. Mais, de la droite et au centre, les voix sont en revanche de plus en plus nombreuses et sonores à réclamer l’introduction d’une dose de capitalisation : Gérald Darmanin, Yaël Braun-Pivet, et même Amir Reza-Tofighi, le président de la CPME… Édouard Philippe, président d’Horizons, et candidat annoncé de la prochaine course à l’Élysée, en a fait une mesure phare de son programme en annonçant vouloir un référendum sur le sujet.

« Une manière de jouer surtout sur les peurs »

Inaudible, voire embarrassant, alors que les bourses mondiales dévissent depuis une semaine ? « Pas du tout, il n’y a aucun embarras. Je vois ces remarques comme une manière de jouer surtout sur les peurs. Et puis c’est facile d’être contre tout sans apporter de solution, or gouverner c’est prévoir », cingle Franck Morel, secrétaire national d’Horizons en charge des questions d’emploi et de travail, contacté par Le HuffPost.

Même état d’esprit chez Philippe Juvin qui voit un signe, dans ces remarques, d’une forme de « pauvreté intellectuelle en matière de culture économique et scientifique d’un certain nombre d’élus ». « Dire que s’il y a faillite boursière on perd tout, c’est faux. En 2010, le CAC était aux alentours de 2500 points, là après la chute il est à 7000 points. Quand on parle de capitalisation, on ne parle pas sur une journée mais sur 40 ans. Or, sur le long terme, les actions restent le plus sûr moyen de faire fructifier son capital », défend-il auprès du HuffPost. « De toute façon si la tempête économique était forte et durable, c’est faux de penser qu’elle n’emporterait pas tous les systèmes, répartition y compris », abonde Franck Morel.

Si les deux élus admettent que la mise en place d’un étage par capitalisation ne serait pas simple, ils ne manquent pas de rappeler – avec un peu de gourmandise – que certains fonctionnaires ont une part de cotisation obligatoire (La Retraite additionnelle de la Fonction publique) par capitalisation grâce à une loi votée sous Lionel Jospin : « Et personne ne s’en plaint ! ». Philippe Juvin et Franck Morel opposent aussi à « la débâcle financière » redoutée par une partie de la gauche, des garde-fous comme la création d’un fonds qui pourrait être garanti par l’État ou dont la gestion serait confiée aux partenaires sociaux.

La capitalisation « ce n’est plus un repoussoir », mais…

Loin d’être un sujet gênant, Franck Morel estime même que la mesure défendue par l’ancien Premier ministre, dont il fut l’un des conseillers à Matignon, a gagné du terrain. « Les esprits mûrissent autour de ce sujet, de manière positive, ce n’est plus un repoussoir », veut-il croire tout en se félicitant que l’enjeu ait même retrouvé des couleurs dans le contexte du conclave sur les retraites.

Le patron du Medef, Patrick Martin assurait en janvier que l’utilité de la capitalisation, dont il est partisan, « est partagée par certaines organisations syndicales », « à bas bruit ». Un volume sonore quand même encore bien faible puisque le sujet, exclu dès le début des tables rondes, ne devrait pas non plus figurer sur la nouvelle feuille de route de cette conférence.

Politiquement, le vieux serpent de mer n’est pas près de se retrouver dans les filets de l’exécutif. D’abord parce que les syndicats comme la gauche, Parti socialiste compris, n’ont pas digéré la réforme de 2019 aux forceps, mais aussi parce que la capitalisation est perçue comme une réforme structurelle. Qui selon eux remettrait tout simplement en cause le principe de solidarité intergénérationnelle, voire fragiliserait à terme le principe même du financement du système social et sa redistributivité.

Ensuite à cause de l’instabilité politique. Pas de quoi pas pousser François Bayrou à se « sortir de son immobilisme » pour se saisir du sujet, juge une autre huile d’Horizons en off : « Le conclave c’est surtout un outil politique pour ne pas se faire renverser. Ça sera à l’avenant en 2026, et ça n’ira certainement pas en s’améliorant en 2027, avec la présidentielle en ligne de mire ».

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