Pourquoi Barnier tient tant à garder la tutelle de ces ministères
POLITIQUE – Un Barnier bien chargé. Après quinze jours de tractations et négociations, le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler a annoncé ce samedi 21 septembre la composition du premier gouvernement de l’ère Michel Barnier à Matignon.
L’équipe est étoffée, avec 39 ministres, et renforcée sur son aile droite comme jamais depuis la présidence de Nicolas Sarkozy. Au sein de ce nouvel effectif, le chef de l’État Emmanuel Macron a pu conserver son pré carré avec la reconduction de Sébastien Lecornu (Renaissance) aux Armées et la nomination de Jean-Noël Barrot (MoDem) aux Affaires étrangères. Plus significatif encore, Michel Barnier a fait en sorte d’avoir le sien.
Au total, six ministres sont directement rattachés au chef du gouvernement. À titre de comparaison, Gabriel Attal avait, lui, la tutelle de trois ministres délégués, dont le porte-parolat et les relations avec le Parlement. Michel Barnier récupère pour sa part des sujets très politiques. Un choix qui ne doit rien au hasard.
Barnier l’Européen
Parmi ces domaines « réservés », il n’est pas étonnant de retrouver tout d’abord les affaires européennes. Alexis Kohler a effectivement annoncé que le nouveau ministre délégué à l’Europe, Benjamin Haddad (Renaissance), sera désormais rattaché à Matignon, en plus du quai d’Orsay, comme habituellement.
Une façon pour Michel Barnier, ancien négociateur du « Brexit », de garder un œil sur des enjeux qui lui sont chers, malgré le souhait d’Emmanuel Macron de garder la main sur les sujets internationaux. Comme une sorte de continuité pour cet europhile convaincu, ancien eurodéputé, commissaire européen à deux reprises, ou ministre chargé des Affaires européennes (sous Jacques Chirac).
Au-delà de cet attrait personnel, le choix est d’autant plus significatif dans la période actuelle, que le gouvernement français a des épreuves à passer devant la Commission européenne. Il doit effectivement lui présenter rapidement son plan de réduction du déficit, après avoir réclamé un premier délai début septembre sur fond de nouveau dérapage des comptes.
Barnier le trésorier
C’est donc dans ce contexte périlleux que Michel Barnier a fait le choix de récupérer dans son escarcelle le ministère du Budget. Traditionnellement, le garant des comptes publics (en l’occurrence Laurent Saint-Martin, un ancien député macroniste) est à Bercy, avec le ministre de l’Économie et des Finances (désormais Sylvain Armand, un élu Renaissance). C’était le cas avec le duo Bruno Le Maire et Thomas Cazenave ou avec Gabriel Attal et Olivier Dussopt avant lui.
Cela ne le sera plus. Objet de « tractations » jusqu’à la dernière minute, selon Le Monde, cette partition est une façon, pour le Premier ministre, d’avoir une prise conséquente sur l’élaboration du budget 2025, la priorité numéro un dans un contexte de dérapage budgétaire et de croissance atone.
Une tâche particulièrement délicate et qui a déjà pris un retard inédit, malgré la pression de l’Assemblée nationale. Difficile également de ne pas voir derrière ce choix très singulier le souhait de Michel Barnier d’éviter « une forteresse » à Bercy, avec deux ministres qui ne sont pas de son camp.
Barnier l’Ultramarin ?
Enfin, le locataire de Matignon reprend le ministère (de plein exercice cette fois) des Outre-Mer sous sa tutelle. Sous Gabriel Attal, celui-ci était rattaché au ministère de l’Intérieur, un choix dénoncé par plusieurs élus et acteurs locaux, comme reflet d’une approche trop sécuritaire.
Il faut dire, aussi, que ce portefeuille est ultrasensible et émaillé d’urgences, en Nouvelle-Calédonie – où treize personnes sont mortes dans les violences depuis mai. Mais aussi en Martinique – en proie aux tensions ces derniers jours -, en Guadeloupe – touchée par des grèves d’agents EDF – ou encore à Mayotte. Les dossiers du nouveau ministre, le sénateur LR François-Noël Buffet, sont donc nombreux. Ceux de Michel Barnier aussi.
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