Economia

Pourquoi Emmanuel Macron résiste encore au (quasi) consensus de l’ISF Vert ?

POLITIQUE – Les données sont alarmantes, les effets déjà sous nos yeux, mais l’une des pistes pour limiter les dégâts du réchauffement climatique ne parvient pas à passer à travers les grilles de l’Élysée : l’ISF vert. Pourtant, la liste de ceux qui plaident pour l’instauration de cet impôt ciblant les plus riches afin de doter la transition écologique de moyens puissants ne cesse de s’allonger au-delà de la NUPES. Et même en dépit du refus catégorique exprimé par Emmanuel Macron de considérer l’hypothèse, grande absente de son discours sur la « planification écologique ».

Ce lundi 25 septembre, Le Monde a révélé le contenu d’un rapport parlementaire sur la fiscalité, corédigé par le patron des députés MoDem (membre de la majorité présidentielle) Jean-Paul Mattei. Ce document, sur lequel a aussi travaillé le député communiste du Cher, Nicolas Sansu, suggère la création de « prélèvements exceptionnels » visant « le patrimoine des contribuables les plus riches » dans le but de financer les mutations nécessaires à la lutte contre le réchauffement climatique.

Pisani-Ferry, Moscovici, de Villepin…

Certes, la proposition préconise que cet impôt soit mis en place, à l’initiative de la France, au niveau européen, mais l’idée d’une mise à contribution des plus fortunées pour financer ces défis est bel et bien là. De quoi remettre dans le débat une idée à laquelle Emmanuel Macron est allergique. Au mois de mai, c’est l’économiste Jean Pisani-Ferry, un temps proche du chef de l’État, qui plaidait pour l’instauration de cet ISF vert.

« Nous préconisons un impôt exceptionnel et temporaire, assis sur le patrimoine financier des 10 % de ménages les plus aisés, et calibré en fonction du coût anticipé de la transition pour les finances publiques », expliquait-il, précisant que cette mesure permettrait de dégager 5 milliards d’euros par an, consacrés exclusivement à la lutte contre le réchauffement climatique. Après la fin de non-recevoir exprimée quasi instantanément par le gouvernement, c’est le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, qui regrettait que ce débat soit « évacué trop vite » par l’exécutif.

Quelques semaines plus tard, Dominique de Villepin (pas vraiment un zadiste) se prononçait également pour cet impôt. « Je crois que l’idée est bonne parce que là encore qui dit exemplarité, dit à ceux qui sont les mieux placés, les plus riches, de donner l’exemple », affirmait le 21 juin l’ancien Premier Ministre de Jacques Chirac. Dans un sondage réalisé par YouGov pour Le HuffPost à la fin du mois de mai, 55 % des Français se prononçaient pour cette mesure. Détail intéressant, cette idée séduisait également les sympathisants de la majorité présidentielle, à 59 %.

Contraire au logiciel macroniste

Pourtant, Emmanuel Macron et les membres de la majorité présidentielle demeurent insensibles au consensus qui se profile. « C’est très con. Jean Pisani-Ferry veut viser les 10 % des plus riches, ceux qui paient déjà 45 % d’impôts et qu’on arrive très bien à taxer. Le problème, c’est le 0.1 % des plus riches. Ceux-là, on a du mal », reconnaissait en début de semaine un député Renaissance très proche d’Emmanuel Macron, sans pour autant avancer de solution.

Un angle mort qui, pour l’économiste de gauche Thomas Porcher, résulte directement du logiciel économique du chef de l’État. « Il faut se rappeler que la réforme de l’ISF est l’une des premières réformes mises en place par Emmanuel Macron », expliquait-il sur France 5 au printemps, au moment où Jean Pisani-Ferry mettait les pieds dans le plat.

« Parler d’ISF vert, ce serait revenir sur cette mesure-là », analysait encore ce membre des Économistes atterrés. Ce qui expliquerait l’impossibilité pour le chef de l’État de revoir sa copie, puisque cela reviendrait à se contredire sur le principe même de sa politique fiscale.

Dans le huis clos pas si hermétique du Conseil des ministres, Emmanuel Macron n’avait pas dit autre chose fin mai, souhaitant « éviter le piège à la con du débat sur la fiscalité des riches ». Conscient toutefois de la nécessité de répartir équitablement le coût de la transition écologique, Emmanuel Macron estime qu’il faut agir à l’échelle internationale, et non via l’instauration d’un ISF vert national qui n’aurait, selon lui, que peut d’effet… Si ce n’est pénaliser la France. Impossible pour ce chantre de la « souveraineté » retrouvée.

« Aussi vrai que l’on disait il y a un siècle « le socialisme dans un seul pays ça ne fonctionne pas », eh bien la taxation financière dans un seul pays ça ne marche pas », déclarait-il fin juin lors du Sommet international pour un nouveau pacte financier mondial, plaidant pour une sorte d’ISF vert mondial et en proposant comme échéance de discussion le G20 qui s’est déroulé en Inde début septembre. Or, il n’est rien sorti de probant de ce sommet, dont la déclaration finale a seulement appelé à « accélérer les efforts » en matière de lutte contre le réchauffement climatique. D’aucuns diraient que cette idée d’ISF vert mondial, impliquant une entente entre puissances ayant des intérêts divergents, voire contradictoires, sur le sujet relèverait du « piège à la con ».

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