Sur le budget, PS et Macronie forcés de jouer la montre pour réussir à s’entendre
POLITIQUE – Lever de rideau. Les députés ont entamé vendredi après-midi dans l’hémicycle le titanesque ballet de l’examen du budget 2026. Si au premier plan, ils ont joué leur partition de défendre pied à pied les plus de 3 000 amendements déposés, dans le fond de la scène, c’est une autre chorégraphie qui s’est mise en place. Avec, dans les rôles principaux, l’exécutif et Sébastien Lecornu d’un côté, et les socialistes de l’autre, tous désireux de faire aboutir le PLF 2026 après avoir annoncé s’être accordés sur une suspension de la réforme des retraites.
Premier acte vendredi matin quand, sur BFMTV, le premier secrétaire du PS Olivier Faure fait monter la pression avec un ultimatum autour de la taxe Zucman, rejetée par le gouvernement : sans « évolution sensible d’ici lundi » ce sera « terminé », menace-t-il. Un simple geste de prénégociation, balaie-t-on à Matignon, d’autant que dans l’après-midi, les socialistes se sont réunis en catimini avec Gabriel Attal, chef de file de Renaissance, et Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écologiste.
Et de fait, les roses ont beau montrer leurs épines, l’amendement 3480 qu’ils ont finalement déposé sur la taxation des plus riches s’apparente plutôt à une « taxe Zucman allégée ». Elle prévoit notamment des exceptions sur les entreprises familiales et les entreprises innovantes comme Mistral.
La « taxe Zucman light » a du mal à passer
Même Gabriel Zucman ne montre pas beaucoup d’enthousiasme face à cette idée, au micro de France Inter samedi matin. Mais pour les socialistes, c’est moins l’économiste que les troupes alliées au gouvernement qu’il faut amadouer et convaincre. Et pour faciliter l’atterrissage de leur proposition, ils ont même prévu un amendement de repli prévoyant une autre forme de contribution des hauts patrimoines, mais dont le rendement serait moindre. « Nous voulons montrer que nous ne sommes pas dogmatiques », défend samedi le député PS Philippe Brun, quand la députée insoumise Claire Lejeune s’indigne d’une version « allégée » qui n’est qu’« une pièce du compromis cherché entre le PS et le gouvernement ».
L’amendement de repli est finalement retiré, assure L’Opinion, pour se concentrer sur le 3480. « C’est le plan A » martèlent les socialistes alors que la partie avec le bloc central est loin d’être pliée. Car même dans une version light, les macronistes et alliés s’affichent réticents face au dispositif. « Ça va être compliqué » de le voter, estime la députée MoDem Perrine Goulet, qui ne veut pas des biens professionnels dans l’assiette fiscale. « Ça ne passera pas », renchérit son collègue Bruno Fuchs.
En coulisses, le deuxième acte et les discussions se poursuivent entre roses et macronistes, parfois même au sein de Palais Bourbon, selon Le Parisien, mais vraisemblablement sans aboutir. Dans l’hémicycle, les débats qui s’enlisent agacent le RN qui accuse le gouvernement de jouer la comédie pour mieux traîner et passer son budget par ordonnances. « À quel moment vous fixez votre deadline pour voir si vous arrivez à vous mettre d’accord avec le Parti socialiste sur la taxe Zucman, pour qu’on puisse savoir à peu près à quel moment elle sera examinée dans l’hémicycle ? », fait mine de s’interroger samedi soir Manuel Bompard. L’insoumis a sa réponse quelques minutes plus tard : mardi ou mercredi.
PS et Macronie jouent les prolongations
En fin de séance, la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin vient au secours des tractations en annonçant un changement de calendrier : le gouvernement veut faire passer en priorité les articles 4, 11, et 12 lors de la reprise des travaux lundi, repoussant au milieu de la semaine les discussions autour de la taxe Zucman.
Officiellement, ce changement intervient, assure Bercy, pour de « strictes raisons d’agenda » afin de permettre à Roland Lescure, ministre de l’Économie, d’être présent lundi dans l’hémicycle. Les socialistes se défendent aussi de cette décision assurant qu’elle avait été demandée dès vendredi.
C’est, au demeurant, autant de temps supplémentaire pour négocier l’atterrissage de la mesure fiscale. Sans surprise, les tractations devraient a priori porter sur la taxation des biens professionnels, point majeur de discordance. « Est-ce qu’on peut se mettre d’accord sur la manière de lutter contre l’optimisation fiscale des plus riches ? La réponse est oui. Maintenant le débat c’est “comment ?” (…) Nous pouvons travailler sur beaucoup de dispositifs mais avec une ligne de cohérence, pas une ligne rouge : nous voulons protéger à tout prix les entreprises, les entrepreneurs, l’investissement et ce qu’on appelle les biens professionnels », insistait Amélie de Montchalin au micro de France inter ce dimanche.
En attendant, invité de la matinale de LCI, Olivier Faure a, à cet égard, bien été obligé de repousser l’ultimatum qu’il avait lui-même fixé. « À la fin de cette semaine, nous saurons si nous irons à la dissolution ou pas. Si nous y allons, on peut considérer que dans le mois de novembre, il y aura des élections législatives », a-t-il assuré tout en louant ses échanges directs avec le Premier ministre, un interlocuteur « bon » et « fiable ». Un dialogue resserré façon mission impossible ? L’exécutif y risque tout simplement sa chute, quand les roses ressortiraient affaiblis d’une overdose d’aspartame.



