Immobilier

Immobilier: un « amendement Qatar » pour calculer le manque à gagner des avantages offerts à l’émirat

IMMOBILIER – La rapporteure au Budget voit d’un mauvais œil les avantages dont profitent les Qataris en France. Valérie Rabault (PS) a déposé un amendement au projet de loi de Finances pour 2015, qui prévoit la remise par Bercy d’un rapport relatif aux avantages fiscaux accordés à certains Etats, dont le Qatar. On ne parle pas encore d’annulation de ces spécificités, mais la majorité déclare ainsi s’y intéresser. Le texte est d’ailleurs surnommé « amendement Qatar » par plusieurs commissaires, même si le nom de l’Etat n’y est pas cité.

La convention fiscale permet au Qatar d’être exonéré d’impôt sur ses plus-values immobilières réalisées sur le sol français. Elle avait été conclue sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, ce qui a eu pour conséquence de faire exploser les investissements qataris dans la capitale. L’émirat s’est constitué un parc immobilier de plus de 6 milliards d’euros sur les 10 dernières années, expliquait Reuters en septembre 2013. Les biens concernés sont dans le résidentiel très haut de gamme et les sites commerciaux ou touristiques de prestige.

L’ancien émir du Qatar s’est ainsi porté acquéreur du célèbre showroom Citroën des Champs-Elysées mis en vente par PSA, qui, confronté à d’importantes difficultés financières, a cédé pour deux milliards d’actifs en 2012. Toujours sur les Champs, un proche de la famille a également acquis l’adresse de l’ancien Virgin Megastore pour 500 millions d’euros la même année, qui devrait être remplacé prochainement par les Galeries Lafayette.

Parmi les autres biens, on peut également citer l’Hôtel Lambert (voir la photo en haut de l’article), situé sur l’île Saint-Louis à Paris. Racheté 60 millions d’euros par le prince Abdullah Al-Thani, l’édifice a subi un grave incendie en 2013, braquant les projecteurs sur son propriétaire.

Pourquoi offrir de tels avantages au Qatar ?

Il s’agissait notamment pour Paris de proposer des conditions au moins aussi attractives que Londres à un moment où la crise financière avait exacerbé la concurrence pour attirer les investissements des pays exportateurs de pétrole et de gaz, enrichis par l’envolée des cours, soulignent plusieurs experts.

Néanmoins, les avantages fiscaux accordés à l’émirat sont comparables à ceux octroyés à d’autres pays du Golfe dans les années 80 et 90. De fait, un rapport sénatorial de 2009 montrait que les entités publiques koweitiennes bénéficiaient aussi d’une exemption de la taxe sur les plus-values, tandis que l’Arabie saoudite avait obtenu des avantages comparables bien qu’un peu moins généreux.

L’amendement déposé par Valérie Rabault a pour objet « de prévoir une meilleure information du Parlement sur le coût de ces dispositifs pour les finances publiques ». Mais on peut déjà donner une fourchette du manque à gagner. Sur la base de la liste des biens identifiés par Reuters comme étant détenus par des investisseurs qataris et des valorisations de marché à la fin 2012, le Trésor français se prive de quelques 150 millions d’euros de recettes fiscales potentielles.