À combien de voix tient la survie de Barnier face à la censure
POLITIQUE – Même son entourage concède qu’il ne reste guère qu’un infime « trou de souris » pour sauver sa place. Nommé le 5 septembre dernier à Matignon, le Premier ministre Michel Barnier pourrait (déjà) avoir à refaire ses valises ce mercredi 4 décembre, alors que l’Assemblée nationale se prononce sur une motion de censure consécutive au recours au 49.3 pour faire adopter le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025.
Après des semaines d’atermoiements, le Rassemblement national de Marine Le Pen et Jordan Bardella a fait savoir ces derniers jours qu’il était prêt à approuver ce texte, tout comme une très large partie des élus de Nouveau Front populaire, cette alliance de gauche parvenue en tête des élections législatives de l’été. À partir des déclarations des uns et des autres, Le HuffPost fait le point sur les chances de survie du gouvernement.
La macronie et la droite unies derrière Michel Barnier
En premier lieu, il y a les députés soutenant Michel Barnier, qui ont logiquement fait front derrière le chef du gouvernement et son équipe. Plusieurs d’entre eux, dont l’élu apparenté MoDem de Charente-Maritime Olivier Falorni ou le macroniste Éric Bothorel, ont pris la parole pour défendre le Premier ministre. Avec à chaque fois la même idée du danger que représenterait l’approbation d’un texte venu de « l’extrême gauche » grâce aux voix du RN.
Dans ce camp des opposants à la censure, on retrouve un ancien soutien d’Emmanuel Macron, le non-inscrit Sacha Houlié (élu de la Vienne). Présent dès le début d’En Marche, il a ensuite pris ses distances avec le camp présidentiel avec les dernières législatives, allant jusqu’à évoquer des regrets de ne pas avoir censuré un gouvernement comprenant Bruno Retailleau. Une éventualité qu’il écarte désormais, comme il le justifie dans les colonnes de La Nouvelle république ainsi que sur son compte X : « Le vote de la motion de censure aurait pour double effet de nous priver de lois de finances et de financement de la sécurité sociale sans pour autant proposer d’hypothèse de substitution. »
Ensuite, il y a donc l’extrême droite. C’est grâce à la formation de Marine Le Pen que Michel Barnier a pu être nommé puis passer trois mois en poste, le RN refusant jusqu’à présent de censurer ce gouvernement soutenu par la droite et les partisans d’Emmanuel Macron. Mais les discussions sur le budget ont, malgré de nombreuses concessions à son endroit, poussé le parti à changer de posture. Et c’est ainsi que les 124 députés RN (et leur quinzaine d’alliés de l’Union des droites d’Éric Ciotti) devraient en toute logique soutenir à l’unanimité ce mercredi la motion de censure portée par la gauche.
Quelques rares récalcitrants à gauche
L’autre grand groupe d’opposition est plus disparate. Il est composé des 71 députés insoumis, des 66 socialistes, de 38 écologistes et de 17 communistes, qui ont fait campagne à l’été sous la bannière commune du NFP. Soit au total 192 élus, parmi lesquels une poignée a d’ores et déjà fait savoir qu’ils ne soutiendraient pas la motion de censure.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le texte de la motion de censure a été signé par 185 députés « seulement ». Manquent cinq socialistes (Gérard Leseul, Sophie Pantel, Dominique Potier, Valérie Rossi et Hervé Saulignac), le communiste Yannick Monnet et l’indépendantiste kanak Emmanuel Tjibaou (également membre du GDR, le groupe des communistes).
Hors Yannick Monnet qui n’écarte pas de la voter et de Gérard Leseul qui ne s’est pas exprimé, les cinq probables abstentionnistes du NFP ont pris la parole dans les médias locaux pour expliquer leur position. C’est le cas de Sophie Pantel, élue en Lozère, qui a détaillé ses motivations auprès de l’antenne locale de France 3, assurant notamment qu’une censure ne changera rien. « Nous devrons continuer à subir la politique d’Emmanuel Macron », explique-t-elle. Avant de déplorer qu’en l’absence de vote du budget, différentes causes auxquelles elle tient seraient lésées, citant « les moyens pour la Nouvelle-Calédonie, pour nos départements ultramarins, les crédits pour le soutien de l’Ukraine, les primes pour les forces de sécurité des JO et les crédits d’urgence pour la crise agricole ». Un registre que rejoignent les autres membres du NFP non-signataires de la motion, et notamment Dominique Potier, député PS de Meurthe-et-Moselle, qui craint « un saut dans l’inconnu ou le chaos » si le gouvernement tombe.
De futurs abstentionnistes dans les rangs de Liot
On peut ensuite évoquer le groupe Liot, passé tout près de renverser le gouvernement d’Élisabeth Borne en mars 2023, au moment de la controversée réforme des retraites. Un groupe hybride rassemblant des élus régionalistes, des ultramarins et des indépendants, où chacun a ses raisons de voter (ou non) la censure. Parmi eux, le député de la Mayenne Yannick Favennec a fait savoir qu’il ne voterait pas le texte, refusant d’« aggraver une situation déjà compliquée pour la France ». Même son de cloche chez son collègue représentant Saint-Pierre-et-Miquelon Stéphane Lenormand, qui explique que le pays « ne peut se payer une instabilité institutionnelle et une crise financière sans une alternative politique crédible derrière ».
Un ton que l’on retrouve chez la plupart des élus Liot ayant fait part de leurs intentions à l’endroit de la motion de censure NFP (comme de celle du RN, qui ne sera discutée qu’en cas d’échec de la première).
En toute logique néanmoins, la seule addition des voix du NFP et de l’extrême droite surpasse largement le seuil des 288 nécessaires pour faire approuver la motion de censure. Charge désormais à Michel Barnier et à ses soutiens d’élargir le « trou de souris » lors des débats préalables au vote, peut-être à grand renfort de concessions faites à ses adversaires ? La survie du gouvernement ne tient qu’à cela.
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