À J-7, l’exécutif pris au piège du Salon de l’Agriculture (et c’est un peu de sa faute)
POLITIQUE – Tic-tac, tic-tac. Il ne reste plus que sept jours d’ici au Salon de l’Agriculture, inauguré le 24 février par le président de la République Emmanuel Macron. Début février, l’exécutif avait réussi à mettre un terme à une dizaine de jours de blocage du secteur agricole grâce à de nombreuses annonces, et érigé le grand rendez-vous annuel porte de Versailles comme date butoir pour en faire le bilan. Un pari risqué.
Après être passé à côté des signes avant coureurs de la crise agricole, le gouvernement fraichement nommé a voulu se montrer à la mesure de l’enjeu – crucial à quelques mois des élections européennes. Déplacements de Gabriel Attal sur le terrain, double salve d’annonces en à peine une semaine, avant qu’Emmanuel Macron, en marge d’un Conseil européen le 1er février, appelle « à profondément changer les règles » du modèle agricole français et européen.
En parallèle, Gabriel Attal a dit vouloir « mettre l’agriculture au-dessus de tout ». Et le couple exécutif a fixé lui-même l’échéance du Salon de l’Agriculture pour le prouver. « Il faut mettre en œuvre très vite ce qui a été décidé (…) pour qu’on puisse avoir dès les prochains jours à nouveau des décisions concrètes, le plus tard pour le Salon de l’agriculture », a déclaré le président de la République début février depuis Bruxelles.
Or, le chantier est immense. La FNSEA, syndicat majoritaire du secteur, ne veut rien d’autre qu’un « changement de logiciel » du gouvernement et attend la levée des freins à la production. Fin janvier, l’organisation a soumis une liste d’une centaine de revendications et malgré la levée des blocages une dizaine de jours plus tard, elle maintient la pression.
« Ça s’est bien passé. On continue d’avancer, on a passé en revue tous les dossiers », a déclaré le 13 février son président Arnaud Rousseau à la sortie d’une réunion à Matignon. « Maintenant, (…) il faut que tout soit mis en place au moment du Salon » faute de quoi les agriculteurs n’hésiteront pas à ressortir les tracteurs des champs – comme certains l’ont déjà fait à Chambord le 15 février.
Attal l’assure, « les choses avancent » mais…
En face, le gouvernement veut se montrer à la tâche. Quinze jours après un premier déplacement en Haute-Garonne, Gabriel Attal s’est rendu jeudi dans un élevage bovin de Janvilliers (Marne)pour faire le point sur les mesures annoncées, assurant que « les choses avancent ».
Dès le 4 février, de premières mesures d’urgence sont parues au Journal officiel, sur le gazole non routier et les indemnisations aux éleveurs touchés par la maladie hémorragique épizootique. « Les premiers versements interviendront cette semaine », a promis le chef du gouvernement jeudi, reconnaissant que « ça a mis du temps à arriver ».
Les agriculteurs ont aussi obtenu le déblocage d’une enveloppe de 400 millions d’euros d’aides d’urgences réparties entre éleveurs et viticulteurs notamment. Gabriel Attal a aussi insisté sur les « dix mesures de simplification » annoncées, précisant que quatre décrets sont « déjà sortis », trois autres sont en train d’être transmis au Conseil d’État et les trois mesures restantes « relèvent de la loi » que le gouvernement « présentera autour du Salon ».
Le gouvernement défend sa méthode, avec un temps nécessaire pour centraliser et tirer des conclusions des remontées de terrain via les préfectures ou les concertations entres les parties concernées. Une façon d’appeler à la patience alors que les avertissements des professionnels sur une reprise du conflit se sont multipliés ces derniers jours. « C’est une crise qui vient de loin, dont on prend la part qui est la nôtre, mais quand vous avez 25 ans de procédures, de sédimentation, de suradministration, de surtransposition, quand vous détricotez tout ça et que vous ouvrez le capot, évidemment tout sort », a plaidé Marc Fesneau sur RMC le 14 février.
Attention aux « beaux discours »
L’équation est d’autant plus compliquée que tout ne se joue pas à l’échelle nationale. Au-delà des annonces et de la bonne volonté affichée par l’exécutif français, certains sujets nécessitent de composer avec les États membre de l’UE, en tenant compte du temps de réaction (long) propre à Bruxelles et Strasbourg.
C’est par exemple le cas pour les prix de vente, crucial quand on aborde la question des revenus des agriculteurs. Au-delà du renforcement des contrôles Egalim, la création d’un Egalim européen est réclamée afin de ne pas tirer les prix français vers le bas. comme date butoir pour en faire le bilan. Un pari risqué.
De même sur les pesticides. Si le plan Ecophyto a été mis sur pause en France, et que « des propositions sur un nouvel indicateur seront faites avant le Salon », selon Christophe Béchu sur Sud Radio jeudi, des voix s’élèvent à la Coordination rurale pour rediscuter plus largement de la législation de l’UE. Sans oublier la question de la souveraineté alimentaire avec en creux, celle des importations. Arnaud Rousseau évoque notamment l’élevage, pour lequel le gouvernement a annoncé un « grand plan » dont « on n’a pas encore vu une ligne ».
« On comprend que tout ne va pas se faire en trois jours. Mais le président de la République, il ne va pas falloir qu’il arrive seulement avec de beaux discours au Salon de l’agriculture », a prévenu le président de la FNSEA Arnaud Rousseau mardi avant son rendez-vous à Matignon. Le syndicat majoritaire sera reçu dans la semaine qui vient par le président de la République, qui reçoit traditionnellement tous les représentants avant le Salon. Avec un air de tour de chauffe cette année.
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