Politique

À l’Assemblée, seule l’extrême droite refuse l’introduction du non-consentement dans la loi

POLITIQUE – Ce jeudi 23 octobre est un jour important pour le groupe RN à l’Assemblée nationale. Depuis la Maison de la Chimie à Paris, Marine Le Pen et Jean-Philippe Tanguy s’échinent à dissiper les doutes sur le sérieux budgétaire du Rassemblement national. Mais plus discrètement, dans l’hémicycle, les troupes lepénistes au Palais Bourbon – et avec elles les alliés de l’UDR – ont fait un choix rappelant les fondamentaux du parti d’extrême droite.

En séance, une proposition de loi transpartisane portée par les députées Véronique Riotton (Renaissance) et Marie-Charlotte Garin (écologiste), prévoyant la modification de la définition pénale du viol pour y intégrer la notion de non-consentement, était discutée pour adoption après un accord trouvé avec le Sénat en commission mixte paritaire. Un texte consensuel qui a été voté sans encombre dans l’hémicycle, obtenant les voix du centre, de la gauche et de la droite. Or, un village gaulois résiste encore et toujours à cette évolution pénale : l’extrême droite.

En effet, sur les 30 parlementaires RN présents dans l’hémicycle au moment du vote, 27 ont voté contre et 3 se sont abstenus. Parmi les élus opposés au texte, de hauts gradés du parti lepéniste, comme Sébastien Chenu ou Hélène Laporte. Bien moins nombreux, les quatre députés UDR présents en séance ont également voté contre cette proposition de loi. Des oppositions qui n’ont nullement empêché l’adoption du texte, mais qui ont été remarquées dans l’hémicycle.

« Une victime de violences sexuelles toutes les deux minutes. Toute l’Assemblée vote pour introduire le consentement dans la définition du viol. Toute ? Non. Le RN s’y oppose », a taclé le député de la Somme, François Ruffin. Une indignation partagée par les insoumis Sarah Legrain et Andy Kerbat. « L’extrême droite est toujours l’ennemie des droits des femmes », dénonce leur collègue LFI Gabrielle Cathala.

En réalité, le refus du RN de joindre ses voix à ce texte était prévisible, puisque ses deux députées présentes en commission mixte paritaire (les élues gardoises Pascale Bordes et Sylvie Josserand) avaient déjà voté contre la copie finale sortie des discussions entre sénateurs et députés.

« Le désir devient suspect »

Cette loi vise à définir l’ensemble des agressions sexuelles comme « tout acte sexuel non consenti ». Selon ce texte soutenu par la ministre à l’Égalité entre les femmes et les hommes Aurore Bergé, « le consentement est libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable. Il est apprécié au regard des circonstances. Il ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime ». Par ailleurs, « il n’y a pas de consentement si l’acte à caractère sexuel est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, quelle que soit leur nature ».

Mais pourquoi le RN, qui joue à fond la carte de la « normalisation » refuse d’apporter ses votes à un texte approuvé sur les autres bancs de l’hémicycle, au risque d’apparaître encore comme hostile aux droits des femmes ? À la tribune, la députée RN Sophie Blanc s’est chargée de l’explication de vote en affirmant que ce texte « bouleverse un équilibre vieux de plusieurs siècles ». Selon l’élue des Pyrénées-Orientales, « on ne jugera plus les faits, mais on jugera les intentions supposées ou ressenties ».

Pire, selon elle, cette évolution législative ferait basculer la France dans « la culture du soupçon », puisqu’il serait impossible d’établir le non-consentement. « Comment prouver qu’un consentement était libre ? Combien de verres de vin suffisent à rendre un consentement non éclairé ? Faudra-t-il désormais enregistrer les préalables à chaque acte sexuel ? », se demande encore Sophie Blanc, pointant une « société de méfiance où le désir devient suspect ». Des justifications qui ont provoqué l’indignation sur plusieurs bancs.

Cette position ne devrait pas être de nature à redorer la réputation du RN à l’égard des droits des femmes. Au Parlement européen, les eurodéputés RN autour de Jordan Bardella se sont très souvent opposés à des avancées féministes majeures. On rappellera par ailleurs que plusieurs parlementaires RN à s’étaient opposés à la constitutionnalisation de l’IVG. La prise de parole relativiste de la députée Hélène Laporte sur le sujet avait d’ailleurs été largement huée durant le Congrès.

Sur un autre sujet, c’est le député Jocelyn Dessigny qui s’était illustré sur le sujet du droit des femmes. « Nous, nous partons du principe qu’une mère au foyer, elle est peut-être mieux à la maison à s’occuper des enfants », avait-il fait valoir en octobre 2023, lors de l’examen du projet de loi pour le plein-emploi présenté par le gouvernement.