Politique

À l’heure des débats sur la fin de vie à l’Assemblée, l’impossible unité du gouvernement

POLITIQUE – Vers la fin de vie du gouvernement ? Le texte qui propose d’ouvrir le droit à mourir dans la dignité aux personnes souffrant d’une maladie « grave et incurable », examiné à partir de ce lundi 12 mai à l’Assemblée nationale, n’en finit plus de diviser le gouvernement.

L’offensive menée par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau contre le texte n’a échappé à personne. Encore ce 11 mai, le bruyant locataire de la place Beauvau fait entendre sa petite musique dans les colonnes du JDD, hebdomadaire d’extrême droite passé sous pavillon Bolloré, en s’élevant contre ce qu’il considère être « une rupture anthropologique ». « Si le texte était voté en l’état, il deviendrait plus facile de demander la mort que d’être soigné. Ce n’est pas ma conception de la fraternité », alerte-t-il.

Catholique revendiqué, Bruno Retailleau rejoint certaines des hésitations exprimées jusque-là par François Bayrou. Le Premier ministre a tenté de distinguer l’aide à mourir d’un côté, et les soins palliatifs de l’autre, peinant à masquer son opposition personnelle à l’aide à mourir. Ce qui avait provoqué une bronca au sein du camp présidentiel. La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet s’était notamment érigée en fervente partisane du texte.

Si Bruno Retailleau multiplie les sorties polémiques et les prises de position affirmées, François Bayrou se garde bien de trop s’exprimer sur le sujet. Récemment, ses déclarations dans la presse sont rares. Tout juste se souvient-on de ce qu’il exprimait sur le plateau de LCI en janvier : « Qu’est-ce qui influence le citoyen en moi ? C’est le père de famille que je suis, et peut-être le fils que j’ai été. On touche là à quelque chose qui tient au sens de la vie ». Malgré quelques réserves, ce démocrate-chrétien n’a en tout cas pas fait obstacle à l’arrivée du texte à l’Assemblée.

« Chacun est libre d’avoir réfléchi sur le sujet »

Ni même Yannick Neuder, ministre de la Santé, qui faisait pourtant part en mai 2024 de ses doutes. Dans une interview au Figaro, celui qui était alors député parlait d’un texte « déséquilibré » et assurait ne pas vouloir « faire partie des artificiers qui ont fait exploser les verrous ». « Ce n’est pas parce que je suis ministre que j’ai changé d’avis ! », clame-t-il désormais dans le Monde. « Chacun a le droit d’avoir réfléchi sur le sujet, d’avoir une opinion, mais après il faut qu’on arrive à trouver ensemble un consensus éclairé autour d’un texte équilibré sans renier nos convictions », tente de les dédouaner la ministre de la Santé Catherine Vautrin dans le Parisien ce 11 mai.

C’est d’ailleurs elle qui représentera le gouvernement sur les deux textes, comme pour ne pas ajouter de la cacophonie à la cacophonie. Catherine Vautrin révèle en outre avoir elle aussi changé d’avis sur la question de la fin de vie. Confrontée dans sa vie personnelle à des malades de Charcot, la native de Reims explique que « [s]es expériences de vie, à la fois de femme, de fille, de mère et d’élue [l]’ont fait évoluer ».

92 % des Français favorables à l’euthanasie

À moins de 24h de l’examen du texte, Catherine Vautrin a une nouvelle fois essayé d’éteindre l’incendie et tenté de rassurer les plus sceptiques en promettant que le texte sera « complété » pour être encore plus encadré. Concrètement, elle a annoncé le dépôt d’un « amendement pour définir la “phase avancée” à savoir “l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé qui affecte la qualité de vie” », et d’un autre « pour rétablir le délai de réflexion incompressible de 48 heures à compter de l’accord des médecins ».

Mais un autre son de cloche existe au sein de l’exécutif : celui du ministre de la Justice Gérald Darmanin, qui s’est dit « en désaccord profond » avec son collègue de l’Intérieur, Bruno Retailleau. « Je peux comprendre et respecter tous les points de vue. Mais j’aimerais que l’on respecte aussi ceux qui sont pour le texte d’Olivier Falorni », a défendu le Garde des Sceaux sur RTL en avril. Ajoutant : « Les visions conservatrices existent, il faut les respecter, mais je ne suis pas sûr que ce soit celles de la majorité des Français. »

De fait, un sondage Ifop datant de mai 2024 révélait que 92 % des Français se déclarent favorables à l’euthanasie lorsque le patient, atteint d’une maladie insupportable et incurable, la demande. Un chiffre important, qui tranche avec les avis exprimés en haut-lieu.

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