Politique

À quoi joue Jean-Luc Mélenchon avec sa virée américaine ?

POLITIQUE – À la conquête de l’Ouest. Le triple candidat à l’élection présidentielle Jean-Luc Mélenchon profite depuis quelques jours d’une virée politique printanière. Ami du continent sud-américain et coutumier des rencontres avec le brésilien Lula et ses homologues, il a cette fois-ci opté pour le Canada et les États-Unis. Rien d’anodin.

Invité pour évoquer son dernier livre Faites mieux à l’occasion de sa traduction en anglais (Now The People), le fondateur de la France insoumise enchaîne les conférences dans les universités et les interventions médiatiques. Des prises de parole tournées avant tout sur l’actualité internationale et géopolitique, dans un contexte de grands bouleversements.

Après quelques jours au Québec, Jean-Luc Mélenchon a rejoint les États-Unis, où il a pu s’exprimer lundi 21 avril à l’université publique de New York, la City University of New York (Cuny). Il devrait également s’entretenir dans les prochaines heures avec la figure montante du Parti démocrate Alexandria Ocasio-Cortez, à la manœuvre pour réveiller la gauche américaine en compagnie de Bernie Sanders. L’occasion, pour le patriarche insoumis, de s’extraire du débat politique national et de faire entendre une voix diplomatique différente.

« On prend de la hauteur »

« Ce sont des échanges intellectuels et politiques de haut niveau, loin des polémiques du quotidien en France. On prend de la hauteur et on réfléchit avec des gauches populaires pour voir dans quelle mesure on peut lutter ensemble contre l’internationale réactionnaire », fait valoir au HuffPost le député LFI Arnaud Le Gall. « On essaie de maintenir un internationalisme au XXIe siècle, c’est aussi dans la logique de s’opposer à la guerre qui vient », ajoute celui qui chapeaute les sujets internationaux au sein du mouvement insoumis, en évoquant une « dimension essentielle du combat » contre les idées réactionnaires.

C’est donc dans cet esprit que Jean-Luc Mélenchon s’est lancé dans une tirade remarquée contre Donald Trump, le 17 avril, à Montréal, lors d’un meeting commun avec le parti de gauche Québec solidaire. S’exprimant en anglais (fait extrêmement rare chez lui) – quitte à ironiser sur son accent –, le leader de la gauche radicale a fustigé l’impérialisme du nouveau président américain, en s’adressant directement à Donald Trump.

« Vous avez dit que le Canada devrait devenir un État américain. Tous les dirigeants canadiens vous ont dit qu’ils s’y opposaient. Ils ont dit “non”. Et “non” c’est “non”, en anglais comme en français ! », a-t-il par exemple lancé, devant une foule hilare – et acquise à sa cause. Une séquence massivement relayée sur les réseaux sociaux et saluée sur place, à en croire les insoumis.

« On a vraiment eu des retours très positifs, y compris des retours institutionnels. Ils regrettent de n’avoir pas eu beaucoup de soutiens venus d’Europe face aux menaces de Donald Trump, se réjouit Arnaud Le Gall, ils ont donc beaucoup apprécié que Jean-Luc Mélenchon tienne ce discours au Canada. Le message est passé. » En France, aussi ?

Carte postale utile pour la France

De fait, l’escapade de l’ancien député et sénateur aux États-Unis ne s’adresse pas uniquement aux peuples et à la gauche outre-Atlantique. Elle lui permet, à deux ans de l’élection présidentielle en France – son objectif inavoué – de soigner sa stature internationale et de rappeler le crédit qui lui est accordé à l’étranger, en mobilisant par exemple des centaines d’étudiants canadiens et américains. Ou en s’affichant – la rencontre est espérée côté français – avec la très populaire Alexandria Ocasio-Cortez dans le Bronx.

Une carte postale utile, notamment vis-à-vis de la concurrence à gauche, qui peut difficilement se targuer d’un même allant hors de nos frontières. « Pendant que certains font leurs congrès en ne se parlant plus qu’à eux-mêmes, nous on essaie à notre petite échelle de parler au monde », ironise sans se priver Arnaud Le Gall, en référence aux batailles internes qui accaparent les socialistes et les écologistes ce printemps.

« La France insoumise est la seule force de gauche française qui intéresse vraiment à l’international », notamment pour sa volonté de faire « exister un débat de fond sur les questions internationales » et son investissement « dans la lutte internationaliste », ajoute, bravache, le député. Comme si cette escapade servait, aussi, une certaine remobilisation, après de premiers sondages en demi-teinte pour la figure de proue des insoumis, en route vers 2027. Plusieurs enquêtes d’opinions montrent effectivement que Jean-Luc Mélenchon n’a pas plié le match à gauche à deux ans de l’échéance, notamment face à l’hypothèse Raphaël Glucksmann.

L’international est « un terrain facile pour lui », admet en ce sens une source au sein du Parti socialiste. Avant de griffer : « Il ne sera jamais interrogé sur sa dernière outrance ou les idioties de ses camarades. » Ou l’autre avantage de cette fugue américaine.

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