Politique

« Accepter de perdre nos enfants » : une sortie du plus haut gradé de l’armée française fait polémique

POLITIQUE – Un discours qui n’incite pas au garde à vous. Lors de son passage au Congrès des maires de France mardi, le chef d’état-major des Armées français, le général Fabien Mandon avait évoqué l’imminence d’une confrontation guerrière avec la Russie de Vladimir Poutine. Avec une formule qui a rapidement fait grincer des dents, tous bords politiques confondus. Ou presque.

Et ce mercredi 19 novembre, c’est le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon qui a été l’un des premiers à exprimer son « désaccord total » avec les propos du général français. « On a tout le savoir, toute la force économique et démographique pour dissuader le régime de Moscou (…). Ce qu’il nous manque, et c’est là où vous avez un rôle majeur, c’est la force d’âme pour accepter de nous faire mal pour protéger ce que l’on est », avait d’abord lâché le plus haut gradé français devant les maires de France.

Avant de poursuivre avec cette formule alarmiste : « Si notre pays flanche parce qu’il n’est pas prêt à accepter de perdre ses enfants, parce qu’il faut dire les choses, de souffrir économiquement parce que les priorités iront à de la production défense, alors on est en risque ».

« Il faut en parler dans vos communes », avait-il conclu. En octobre dernier, le militaire avait considéré qu’une guerre entre l’Otan et la Russie était imminente, évoquant un horizon de « trois, quatre ans ». Une précédente déclaration qui avait été faite devant les députés de la commission de la Défense afin de les sensibiliser au nécessaire « effort de réarmement » du pays. Mais, surtout, pour appuyer le projet de budget de la défense.

« Un chef d’état-major des Armées ne devrait pas dire ça »

« Je veux exprimer un désaccord total avec le discours du chef d’État-major des armées. Ce n’est pas à lui d’aller inviter les maires ni qui que ce soit à des préparations guerrières décidées par personne », a donc répliqué sur X Jean-Luc Mélenchon. Dans son message, le leader de LFI a également reproché au chef d’état-major des Armées français de « prévoir des sacrifices qui seraient la conséquence de nos échecs diplomatiques sur lesquels son avis public n’a pas été demandé ».

« Un chef d’état-major des Armées ne devrait pas dire ça », a également réagi le groupe parlementaire de LFI dans un communiqué. « Ces déclarations interviennent après d’autres prises de position expliquant que la France devait se tenir prête à un possible affrontement avec la Russie d’ici quatre ou cinq ans. En répétant publiquement ces scénarios de guerre et en les dramatisant jusqu’à évoquer la perte d’enfants, le CEMA outrepasse son rôle. De tels propos ne relèvent en aucun cas de sa fonction », ajoutent les députés du groupe.

Du PCF… jusqu’au RN

Un constat également partagé par le patron du Parti communiste français Fabien Roussel, dont les positions se rapprochent de celles des Insoumis sur le dossier russo-ukrainien. « C’est NON ! 51 000 monuments aux morts dans nos communes ce n’est pas assez ? Oui à la défense nationale mais non aux discours va-t-en-guerre insupportables ! », a-t-il tonné sur X.

L’ancienne candidate à la présidentielle française Ségolène Royal s’est elle aussi émue de cette sortie très commentée dans un long message sur ses réseaux sociaux. Évoquant des « déclarations délirantes, qui vont renforcer l’anxiété des jeunes déjà au plus bas », elle demande des explications au chef de l’État Emmanuel Macron. Car selon l’ancienne ministre socialiste, soit il « est au courant et a validé ce texte et dès lors il doit s’expliquer ; soit ce n’est pas le cas et le Chef d’État-major doit être démissionné ».

« Sachons tirer les leçons de l’histoire », ajoute-t-elle en rapprochant cette sortie du général Mandon avec les récentes commémorations du 11 novembre, « fin de la terrible boucherie de la guerre de 14/18 dont tous les historiens relèvent les causes dérisoires ».

Mais même à l’autre bout du spectre politique, le vice-président du Rassemblement national Sébastien Chenu a estimé que le général Fabien Mandon n’avait pas « la légitimité » pour tenir ces propos et a dénoncé « une faute » de sa part.

Au micro de LCI il a d’ailleurs rejoint la position de Ségolène Royal : « Ou alors le président de la République lui a demandé de le faire et c’est encore plus énorme ».

Langage militaire

Depuis cette polémique, le porte-parole du chef d’état-major des armées est revenu ce jeudi sur les propos du général Fabien Mandon en expliquant que le terme « enfants » évoqué concerne « les armées » comme « enfants de la Nation ». « Subir une guerre de haute intensité, ça veut dire envisager des pertes. Des pertes militaires, souffrir économiquement », a-t-il également précisé, en affirmant qu’un « pays qui n’est pas prêt à comprendre ça est un pays faible ».

Un service après-vente des propos du militaire complété par la ministre des Armée en personne. Sur X, Catherine Vautrin a défendu Fabien Mandon en assurant que le chef d’État-major des Armées « est pleinement légitime à s’exprimer sur les menaces qui continuent de progresser ».

Elle ajoute aussi que « ses propos, sortis de leur contexte à des fins politiciennes, relèvent du langage militaire d’un chef qui, chaque jour, sait que de jeunes soldats risquent leur vie pour la Nation ».