Politique

Après Nantes, les pistes sécuritaires du gouvernement laissent perplexe face à la complexité du fléau

POLITIQUE – Une réponse partielle ? Depuis l’attaque mortelle au couteau dans un lycée à Nantes, jeudi 24 avril, le gouvernement se montre à la tâche pour endiguer le fléau des « violences commises par les mineurs avec des armes blanches », selon les mots du Premier ministre François Bayrou.

Sur place quelques heures après qu’un lycéen a tué une de ses camarades et blessé plusieurs autres, le ministre de l’Intérieur a déjà annoncé qu’il voulait intensifier « les fouilles » devant les établissements scolaires. Évoquant un « fait de société » et non un « fait divers », qui s’inscrit dans l’« ensauvagement » selon lui de la société, Bruno Retailleau a également appelé à ne pas « déconstruire l’autorité et la hiérarchie. »

Dans le même esprit, sa collègue à l’Éducation nationale Élisabeth Borne évoque des « contrôles aléatoires » aux abords des établissements, tandis que le Premier ministre explique envisager l’installation de portiques de sécurité devant chaque collège et lycées. Autant de premières pistes qui laissent une partie de la classe politique sceptique, et perplexes de nombreux experts. Ils appellent à une réponse plus large, et préventive.

« On ne va pas réussir à fouiller chacun des élèves dans notre pays »

Pour l’insoumise Manon Aubry, par exemple, le discours du gouvernement s’inscrit dans une « course à l’échalote » sécuritaire, tandis que le ministre de l’Intérieur agit comme un « vautour » autour du drame qui s’est produit à Nantes. « On ne va pas réussir à fouiller chacun des élèves dans notre pays », a-t-elle souligné ce vendredi 25 avril sur franceinfo, appelant à traiter « les causes » de la violence dans les milieux scolaires.

Selon la cheffe de file des eurodéputés LFI, « l’objectif » du gouvernement « doit être de faire en sorte qu’il n’y ait aucun jeune dans notre pays qui se dise un matin “je vais prendre un couteau et je vais m’en prendre à mes camarades.” » En ce sens, plusieurs élus insistent sur l’importance de se pencher sur la santé mentale des adolescents – décrétée grande cause du gouvernement Bayrou il y a plusieurs mois. Ceci, alors que le suspect, présenté par ses camarades de classe comme « dépressif », a été hospitalisé jeudi soir après un examen psychiatrique.

Aujourd’hui, « vous avez en moyenne un psychologue dans nos établissements scolaires pour 1.500 élèves », déplore par exemple Manon Aubry, quand sa collègue Sandrine Rousseau (députée écologiste) exhorte à « voir les enfants derrière les couteaux » : « Ce n’est pas un ensauvagement comme le dit Bruno Retailleau, c’est juste que nos enfants ne vont pas bien. »

Dans ce contexte, les voix sceptiques ne se limitent pas à la sphère politique et aux partis de gauche. Plusieurs spécialistes expliquent effectivement que la stratégie « tout sécuritaire » se révèle rarement efficace. C’est un « fantasme », assure par exemple Johanna Dagorn, ancienne membre de la délégation ministérielle en charge de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire, estimant que « si l’on met un portique de plus », on ne répond pas aux besoins de « prévention à long terme. »

Plus de personnels et de présence

Symbole de l’offensive gouvernementale, l’idée de la généralisation des portiques de sécurité (prisée dans le débat public après chaque drame dans le milieu scolaire) est particulièrement critiquée ce vendredi. Outre le coût estimé à 100 000 euros par portique, pour 12 000 établissements scolaires, plusieurs acteurs pointent les effets pervers concrets de tels dispositifs. Par exemple : comment assurer la sécurité de centaines, voire, de milliers de jeunes aux abords de leur établissement s’ils sont massés en amont des portiques de sécurité ?

« Transformer l’école en prison n’est pas la meilleure solution », tranche en ce sens Laurent Zameczkowski, le porte-parole de la Peep, une fédération de parents d’élèves. « Ça pose la question de l’attroupement par rapport à Vigipirate. De toute façon, on peut trouver des armes dans les établissements, les extincteurs, les couteaux à la cantine… », a-t-il développé ce vendredi sur BFMTV, pour illustrer les limites d’une telle stratégie.

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Dans le même esprit, Philippe Vienne, directeur du centre de sociologie de l’éducation à l’Université libre de Bruxelles, pointe la « tentation politique, à droite essentiellement, de régler la question des incidents par une approche purement sécuritaire », notamment au moyen de « technologies de surveillance et de contrôle ». Or, explique-t-il à l’AFP, une telle tendance pourrait « provoquer de graves contre-effets sur la vie de ces écoles. »

Au bout du compte, nombreuses voix s’accordent sur un impératif pour répondre à ces phénomènes de violence, parfois dramatiques : le renforcement de la présence humaine dans les établissements scolaires, notamment pour identifier les « signaux faibles » de mal-être ou de futurs passages à l’acte. En prenant en compte notamment le harcèlement scolaire, souligne Johanna Dagorn, qui rappelle que les trois-quarts des auteurs de tueries par arme à feu dans les écoles américaines ont été harcelés. Une piste bientôt reprise par le gouvernement ?

Depuis l’Essonne ce vendredi, Elisabeth Borne a elle aussi insisté sur « les enjeux de santé mentale » mis en lumière par les événements à Nantes. Et de compléter : « Il faut qu’on comprenne comment un jeune peut commettre un acte de ce type mais surtout qu’on soit mieux armé pour prévenir, pour orienter et pour repérer des jeunes en difficulté. »

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