Politique

Attal-Bardella : le dernier artifice risqué d’une campagne dans l’impasse en Macronie

POLITIQUE – Les grands dégâts. Le Premier ministre Gabriel Attal et le président-tête de liste du Rassemblement national Jordan Bardella se retrouvent ce jeudi 23 mai sur France 2 pour un débat, très attendu, en prime time, à un peu plus de deux semaines des élections européennes. Le tournant de la campagne ?

Pour le parti d’extrême droite, grand favori du scrutin, difficile de ne pas voir cet exercice comme un nouveau coup de pouce en ce qu’il l’installe toujours plus au centre du jeu, comme le dénonce Raphaël Glucksmann (PS), le troisième homme de la course. Du côté de la macronie en revanche, la limonade n’a pas le même goût sucré.

Vertement refusée par Gabriel Attal en février, cette confrontation finalement acceptée en mai, semble devenir le dernier « joker » du camp présidentiel pour réanimer une campagne atone. Mais si les demi-tours sont souvent efficaces pour sortir d’une impasse, le débat de ce jeudi n’en demeure pas moins risqué pour une famille en difficulté.

Braquer les lumières sur le RN

Dans l’entourage de la candidate Renaissance Valérie Hayer, on évoque surtout une belle opportunité. À la fois de « parler aux Français de ce que nous avons comme bilan et projet pour les européennes », selon les mots de Nathalie Loiseau (Horizons), numéro 5 sur la liste et porte-parole de la campagne. Et de débusquer l’hypocrisie ou les incohérences d’un candidat qui domine outrageusement la course si l’on en croit les sondages.

« À sa nomination, Gabriel Attal a beaucoup été présenté comme l’arme anti-Jordan Bardella. Quand on a un atout on s’en sert », résume l’eurodéputée au HuffPost, tête de liste du camp présidentiel en 2019. « Il se voit déjà comme le Premier ministre d’une Marine Le Pen présidente. À deux reprises, les Français n’ont pas été convaincus par les débats de la candidate RN. On verra ce qu’ils pensent de Jordan Bardella », ajoute-t-elle, en miroitant un remake des joutes de la présidentielle. Une expérience douloureuse pour le parti d’extrême droite.

Reste qu’avant de parier sur la potentielle débâcle du chef de file du Rassemblement national, l’organisation de ce débat en tant que tel n’est pas sans conséquences politiques. Tout d’abord, cet exercice conduit inévitablement à braquer, de nouveau, les projecteurs sur le parti d’extrême droite, d’en faire le seul adversaire de la Macronie. Et, par conséquent, de l’installer aussi comme la première alternative.

« On essaie de rétablir un match, alors que nous sommes à touche-touche dans tous les sondages avec la liste de madame Hayer », a encore protesté le chef de file des socialistes Raphaël Glucksmann mercredi dans la matinale de France 2, en estimant que « les gens suffoquent face au duel entre la droite et l’extrême droite, entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. » Son camp a même essayé de faire annuler l’émission.

« On va faire comme si le RN n’était pas à plus de 30 % ? »

À cet écueil, qui donne des arguments aux opposants de la liste soutenue par le chef de l’État, s’ajoute comme corollaire le risque de nationaliser toujours davantage cette campagne européenne. Ceci, alors que Jordan Bardella a déjà annoncé son intention de demander la démission de Gabriel Attal et la dissolution de l’Assemblée nationale en cas de (probable) victoire le 9 juin.

En somme, cette confrontation organisée en grande pompe sur France 2 répond parfaitement à la stratégie du Rassemblement national, lequel s’échine à installer un duel avec le camp présidentiel et à faire de ce scrutin des élections de mi-mandats en vue de 2027. Voire de s’installer confortablement dans le fauteuil de successeur d’un pouvoir macroniste en fin de vie. Qu’importe : aux grands maux, les grands remèdes. « Aujourd’hui, hélas, l’extrême droite est le principal adversaire de la majorité », soupire ainsi Nathalie Loiseau, pour qui il est donc « tout à fait normal » que « le chef de la majorité » Gabriel Attal, affronte le président du parti lepéniste.

« On va faire comme si le Rassemblement national n’était pas à plus de 30 % ? », insiste l’ancienne candidate du camp Macron, en appelant « ceux qui ciblent la majorité pour ce débat », à « mieux regarder la réalité du paysage politique français. » Il n’empêche. En plus de contribuer à la normalisation du parti lepéniste, un tel exercice à fort retentissement médiatique provoque un autre effet pervers : l’invisibilisation de la candidate Valérie Hayer. Dans une campagne difficile, marquée par les enjeux nationaux, l’eurodéputée qui peine à combler son retard de notoriété, n’avait sans doute pas besoin d’être ramenée, à chaque interview, aux duels entre Gabriel Attal et Jordan Bardella ou entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Charge au Premier ministre de transformer l’atout en coup gagnant.

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