Au regard des résultats des législatives, peut-on dire que les sondages se sont plantés ?
POLITIQUE – L’histoire semblait écrite. Le Rassemblement national devait arriver en tête, de disposer d’une majorité (relative ou absolue) et de former un gouvernement. La gauche devait arriver deuxième, la Macronie était déjà enterrée. Rien de tout cela ne s’est passé. Dimanche 7 juillet à 20h, les Français ont découvert un peu médusés les premiers résultats tomber.
Au sein de l’hémicycle qui se dessinait sous leurs yeux, c’est finalement la gauche, réunie sous la bannière du Nouveau Front populaire, qui a tiré son épingle du jeu. Le RN est arrivé troisième, loin derrière. « Nous n’avons cessé de dire que le RN n’aurait pas de majorité absolue. Cela n’a pas été entendu ni intégré », a expliqué Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos, ce lundi sur France Info. Il tente ainsi de se justifier sur cette dissonance entre les sondages et les résultats réels.
Dans l’estimation Ipsos de vendredi 5 juillet, la dernière avant l’élection, la fourchette basse du RN correspondait à la fourchette haute de la gauche. Entre 145 et 175 sièges étaient accordés à la gauche, qui en a finalement recueilli 182, entre 175 et 205 pour le RN (143 au final). En d’autres termes, il n’était pas exclu que l’un et l’autre obtiennent le même nombre de sièges (175). Avec une marge d’erreur, on pouvait même considérer que le RN arrive derrière le NFP. Quant à Renaissance, il était crédité de 118 à 148 sièges, en troisième position (163 au final).
Une surprise totale pour le dirigeant d’Elabe
« Les enquêtes n’ont jamais dit que le RN était aux portes du pouvoir. Dans nos enquêtes, nous avions pointé une possibilité pour la gauche d’être en tête. On l’avait beaucoup souligné. Le RN est en troisième, certes, mais à treize sièges du second. Donc il n’y a pas de gros problème », poursuit-il. Son homologue d’Elabe, Bernard Sananès assume cependant qu’il « s’est passé une surprise totale ».
Pour expliquer que les sondeurs n’aient pas vu venir cette vague rose-rouge-verte, il pointe la persistance du front républicain. Même chose pour Frédéric Dabi, directeur général du pôle opinion de l’institut Ifop. « Le front républicain a fonctionné de manière très très efficace, il a complètement freiné la poussée du RN », estime-t-il dans Paris Match. Selon lui, « la tendance à la baisse [du RN] s’est vraiment amplifiée » dans les dernières heures.
Il y a deux ans, lors des dernières élections législatives, le barrage républicain avait été bien moins efficient et permis l’entrée de 88 députés d’extrême droite. C’est ce qui a pu induire en erreur les sondeurs cette fois-ci. « Entre les deux tours en 2022, le barrage avait moins joué que ce que nous pensions. Ça nous avait surpris et ça avait fait élire 89 députés RN », juge Bernard Sananès.
Une participation plus haute que prévu
Des personnalités données perdantes sur le papier, en situation de ballottage défavorable, l’ont finalement remporté face au RN : François Ruffin dans la Somme, Agnès Pannier-Runacher dans le Pas-de-Calais, Franck Riester en Seine-et-Marne, Élise Leboucher dans la Sarthe, Mathilde Feld en Gironde… Le front républicain dans toute son œuvre. Selon Ipsos, en cas de second tour opposant un candidat LFI et un candidat RN, 43 % des électeurs macronistes et 26 % des électeurs LR ont voté LFI. Un chiffre étonnamment très haut qui a permis à la gauche de mieux s’en sortir que prévu.
Deuxième chose : la participation a été plus haute que prévu, à 66,6 %. « Dans bien des circonscriptions, les candidats de gauche ou du centre ont progressé en voix et ça leur a donné le succès », analyse Bernard Sananès, pour qui « le renfort de participation » a créé un déséquilibre difficile à mesurer en amont.
Révélations de la presse sur certains profils RN
Autre donnée importante à prendre en compte : les révélations de la presse concernant le passé trouble et souvent problématique de certains candidats RN. De celle qui, en Mayenne, a fait de la prison pour une prise d’otage commise en 1995 à celui sous curatelle, en passant par tous les propos antisémites, racistes, homophobes et sexistes, le RN a montré dans les derniers jours de campagne un visage peu attrayant, sinon carrément repoussoir. Mais aussi très amateur. Ces informations ayant été dispatchées au compte-goutte, jusqu’à la dernière minute, les instituts n’ont pas eu le recul nécessaire pour mesurer leur impact sur les électeurs.
Quatrième élément d’explication : la singularité des élections législatives en général, et de celles-ci en particulier. On ne vote ni pour une liste comme aux européennes, ni pour un seul homme ou une seule femme comme à la présidentielle. L’élection d’un député, et de son suppléant, obéit à des règles propres. Ajoutons que l’ancrage local est parfois très fort : le député peut avoir été maire, conseiller municipal ou figure engagée dans la vie du territoire. Sa popularité locale échappe alors aux étiquettes nationales. Et c’est tout le jeu politique et parlementaire qui se trouve bouleversé.
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