Politique

Avec cette émission, Dupond-Moretti veut sortir de la caricature du débat politique mais…

MEDIAS – Il n’est plus ministre, mais il n’en a pas pour autant fini avec la politique. Que ce soit dans son spectacle J’ai dit oui ou dans l’émission Seul contre tous, diffusée ce lundi 19 mai sur Paris Première, Éric Dupond-Moretti, ancien Garde des Sceaux (2020-2024) profite de sa liberté retrouvée… sans pour autant vraiment quitter l’écosystème politique et ses travers.

Le concept de Seul contre tous ? Pendant environ une heure et demie, quatre invités se succèdent face à l’avocat qui ne découvre leur identité qu’à leur arrivée les uns après les autres. D’abord Sandrine Rousseau, députée écologiste avec qui il parlera féminisme et déconstruction. Puis Sarah Knafo, eurodéputée Reconquête ! qui a insisté pour parler insécurité. Viennent ensuite Aymeric Caron, député qui siège avec les Insoumis pour une discussion sur la chasse et enfin Robert Ménard, maire de Béziers proche de l’extrême droite pour un échange autour de la politisation de la justice.

« L’idée c’était, à travers la confrontation d’idées, d’arriver à faire émerger un débat, une discussion », explique la directrice générale de Paris Première Catherine Schöffer. Le format se veut innovant. Il y a d’une part le fait qu’Éric Dupond-Moretti ne connaît pas, jusqu’à la dernière minute, l’identité de ses interlocuteurs. Le cadre aussi, un bistrot parisien où l’ancien ministre a été conduit en fin de journée. Mais c’est surtout l’absence d’animateur ou de modérateur, indissociable d’un débat politique classique, qui marque la différence. « C’est un aspect de la proposition d’Alexandre (Darmon, le producteur) qui nous a intéressés. Pour avoir quelque chose sans filtre », ajoute la dirigeante.

À l’unisson, tous vantent le « temps long » des échanges – environ 25 minutes par invité et des séquences très peu coupées au montage, assure le producteur. Tout l’inverse des questions au gouvernement dont Éric Dupond-Moretti ne garde pas de bons souvenirs. « Je pense qu’on ne peut pas évoquer en deux minutes un sujet sérieux. On traverse une période de radicalité où la nuance est exclue. Tout est binaire, manichéen et on a le temps de rien dans les formats traditionnels. Cette émission permet de développer un certain nombre d’idées et d’arguments », insiste-t-il.

« Caricature » et dialogues de sourd ?

Pour autant, malgré cette volonté d’approfondissement, les ressemblances avec le débat politique sont nombreuses. En témoigne son échange avec Sandrine Rousseau. « Qu’avez-vous peur de perdre dans la déconstruction ? » lance d’emblée l’élue féministe. « Pardon ? » s’étrangle l’ancien Garde des sceaux. Si l’échange se déroule sans animosité, on frôle malgré tout le dialogue de sourd : « Je ne sais toujours pas ce que c’est qu’un homme déconstruit/Pourtant vous vous revendiquez construit. (…) Pourquoi dites-vous que vous êtes construit ?/ Parce que je sais que je suis construit ». Sandrine Rousseau tente une explication, son hôte lui rappelle qu’il est « pour le partage des tâches ménagères »… et renvoie la députée à un précédent échange à l’Assemblée nationale.

La discussion se tend légèrement quelques minutes plus tard, quand une Sandrine Rousseau un brin agacée le tance. « Si vous pouviez éviter de dire en permanence que je suis caricaturale et que je vais un peu vite… C’est du sexisme », lui lance-t-elle. « Vous le voyez partout le sexisme en réalité ! », s’agace Dupond-Moretti. L’échange aurait pu avoir lieu dans l’hémicycle. Idem avec Aymeric Caron. « Il nous reste trois minutes, si vous avez encore des trucs à me reprocher, allez-y » cingle l’ex-ministre. Le député antispéciste pointe, lui, les « caricatures » et les « a priori » de l’avocat sur le véganisme.

Sur le fond donc, rien de nouveau. Avec les deux députés, le ton n’est pas plus apaisé que lorsque l’avocat était Garde des Sceaux et aucun ne bouge d’un iota sur ses positions. Éric Dupond-Moretti ne renoncera pas à la viande de sitôt et Aymeric Caron n’ira pas non plus à la chasse. L’idée a pourtant été évoquée, avec un brin d’ironie. Mais elle est à ce stade aussi morte que les animaux défendus par l’un et chassés par l’autre.

« Vous faites ce que vous faites d’habitude »

L’échange tourne tout aussi court avec Sarah Knafo. L’eurodéputée d’extrême droite accuse Éric Dupond-Moretti de « représenter l’insécurité », chiffres à l’appui. Réponse tranchante : « vous faites ce que vous faites d’habitude, balancer un certain nombre de chiffres invérifiables. » Et la discussion de se conclure, après que l’ex-ministre a offert à l’eurodéputée un livre-bilan de son passage à Vendôme par un : « Si un jour par malheur vous êtes au pouvoir, vous réglerez tout ». Ambiance.

Seule exception parmi les quatre invités : la discussion avec Robert Ménard. Alors qu’il doit interroger son interlocuteur sur la politisation de la justice, le maire de Béziers décide d’interpeller Éric Dupond-Moretti sur son rapport à l’extrême droite. « On a choisi de ne pas couper court. C’est aussi ça le pouvoir de ce format, chacun peut venir interroger sur ce qui le dérange chez l’un ou chez l’autre », assume la production. Bien plus qu’avec les invités précédents, le débat se transforme de fait en discussion. « Ce que j’aime chez Ménard, c’est qu’il est de bon sens. C’est vrai que dans notre échange, on est à peu près d’accord sur un certain nombre de choses et on arrive sur quelque chose d’assez consensuel », reconnaît le ténor du barreau. Alors qu’à l’inverse, « Caron, on est sur une radicalité totale »… et le débat est, somme toute, stérile.

Pour autant, l’ancien ministre refuse de dire quel échange il a préféré. Interrogé sur celui qu’il aurait voulu poursuivre au-delà du temps imparti, il répond « tous ». Réendossera-t-il ce costume pour une prochaine émission ? Lui, comme la production, botte en touche. « L’avenir dira ce que deviendra le format, s’il peut être incarné par d’autres personnes », lâche Alexandre Darmon. Qui ne cache pas que c’est aussi le côté « clivant » d’Éric Dupond-Moretti qui l’a séduit. Au risque de retomber dans les travers du débat politique.

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