Politique

Avec le Sommet sur l’océan, Emmanuel Macron veut se (re)poser en défenseur de l’écologie

POLITIQUE – Océans en danger. Menacés par le réchauffement climatique, la destruction des coraux, l’acidification de leurs eaux, le surtourisme et la pêche industrielle, les océans seront au cœur de toutes les attentions du 9 au 15 juin à l’occasion du sommet de l’ONU qui se tient à Nice. La France, qui co-organise l’événement avec le Costa Rica, accueillera une cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement ainsi que de nombreux scientifiques et des représentants de la société civile pour tirer la sonnette d’alarme sur ces espaces marins.

Après New York en 2017 et Lisbonne en 2022, c’est la troisième fois que la communauté internationale se rue au chevet des océans. En ouvrant le sommet ce lundi, Emmanuel Macron a appelé à la « mobilisation » et rappelé que « la première réponse c’est le multilatéralisme ». L’objectif, assure l’Élysée, étant de faire une place « à tous ceux qui contribuent à la préservation des océans ». D’où la satisfaction de voir autant de monde faire le déplacement (médias compris) pour mettre le focus sur un sujet trop souvent sous les radars.

À la différence des COP, dont la vingt-et-unième édition s’était tenue à Paris en 2015, les conférences des Nations unies n’ont pas d’objectif de résultat. Il n’y aura ni traité ni texte à signer à la fin même si la France compte sur l’officialisation de la ratification du traité sur la hauter mer par quelques pays. Seul un « plan d’action pour l’océan » devrait être présenté, et constituera « la somme de tous les engagements des États », révèle l’entourage du Président.

Et au milieu de cet important dispositif, quel rôle pour Emmanuel Macron ? Celui qui, en pleine campagne pour sa réélection en 2022, avait assuré que « le deuxième mandat sera écologique ou ne sera pas », régulièrement critiqué pour un bilan jugé décevant en matière de lutte contre le réchauffement climatique, a donné ce dimanche 8 juin une interview à la presse locale avant une émission ce mardi soir sur France 2. « Les mêmes qui disaient que je ne faisais pas assez pour l’écologie sont les mêmes aujourd’hui, quand il y a des difficultés, à détricoter », y exprime-t-il, en référence à la suppression des ZFE ou la suspension de MaPrimeRénov’.

Scepticisme des ONG

Le Président annonce surtout la limitation du chalutage de fond dans certaines aires marines protégées (AMP). « C’est un sujet qui tient à cœur au Président, commente son entourage. Il y a trois ans, il a pris la tête d’une coalition internationale contre l’exploitation minière des fonds marins. Il entend bien mobiliser le sommet pour remobiliser la communauté internationale sur le sujet ». Avec cette question des pêches en eaux profondes et protégées, Emmanuel Macron semble avoir trouvé la martingale. « Priorité absolue doit être donnée aux scientifiques puisqu’il est hors de question d’aller explorer ces grands fonds marins tant qu’on n’a pas compris la richesse de la biodiversité qu’ils abritent », ajoute l’Élysée.

Mais du côté des ONG, le scepticisme demeure. « Il a mis en scène l’annonce… du statu quo ! », attaque l’association Bloom, pour qui le chef de l’État « avait confirmé que l’imposture de la politique de protection maritime de la France se poursuivrait, à savoir qu’il n’existerait jamais de cadre contraignant pour protéger véritablement les aires marines dites protégées ». Greenpeace continue de militer pour l’interdiction du chalutage de fond dans 30% des eaux françaises classées en aires marines protégées.

La chaise vide… des États-Unis

Comme Emmanuel Macron l’a souligné, les États-Unis, premier domaine maritime mondial et parmi les plus gros pollueurs de la planète, brilleront par leur absence. Ni ministre ni représentant officiel. Fin avril, Donald Trump avait d’ailleurs décidé, seul, d’ouvrir l’extraction minière dans des eaux internationales du Pacifique, contournant l’Autorité internationale des fonds marins. Face à cette politique de la chaise vide, Emmanuel Macron compte (en partie) récupérer le leadership du front pro-océans. « Les abysses ne sont pas à vendre, et pas plus que le Groenland n’est à vendre, pas plus que l’Antarctique ou la haute mer ne sont à vendre », a d’ailleurs lancé le chef de l’État ce lundi.

Reste une question brûlante, qui ne manquera pas d’agiter les débats : quid du financement ? L’Élysée rappelle que le sommet de Nice « n’est pas à proprement parler une conférence de mobilisation de fonds » mais le Costa Rica, pays-modèle en matière de transition écologique puisque 99 % de son électricité est désormais produite par des énergies renouvelables, espère pouvoir lever 100 milliards de dollars pour le développement durable de l’océan. Un accord sera-t-il trouvé pour que les pays riches participent davantage à l’effort mondial ? Voilà un sommet qui promet de riches discussions et qui, enfin, redonnera aux océans la place qu’ils méritent dans les discussions internationales. Alors qu’ils occupent plus de 70 % de la surface du globe, ils demeurent le secteur le moins financé des 17 objectifs de développement durable de l’ONU. Jusqu’à quand ?