Avec sa prison en Guyane, Darmanin accusé de reprendre la « logique qui a créé le bagne »
POLITIQUE – De « symbole problématique » à « opération de communication ». Le ministre de la Justice Gérald Darmanin suscite de larges critiques dans la classe politique après avoir annoncé ce dimanche 18 mai la création d’une prison en Guyane pour accueillir son troisième quartier de haute sécurité, après Vendin-le-Vieil et Condé-sur-Sarthe.
« Cette prison sera un verrou dans la guerre contre le narcotrafic », explique le garde des sceaux dans les colonnes du Journal du Dimanche. Elle servira notamment « à éloigner durablement les têtes de réseau du narcotrafic », dans la mesure où « ils ne pourront plus avoir aucun contact avec leurs filières criminelles », toujours selon ses mots.
Dans le détail, cette structure doit sortir de terre d’ici à 2028 à Saint-Laurent-du-Maroni, la deuxième ville du département, après des travaux estimés à quelque 400 millions d’euros. Elle pourra accueillir 500 détenus, dont soixante places correspondant au « régime carcéral extrêmement strict » défendu par Gérald Darmanin depuis son arrivée à la Chancellerie. Pour cela, le projet doit être lancé dans les prochains jours. Mais les réticences sont déjà vives.
« On voit bien la référence historique »
À gauche, notamment, plusieurs élus dénoncent un « symbole problématique » et la démonstration d’un gouvernement qui ne prend pas en compte les priorités attendues par la population sur place, dans un territoire qui reste l’un des plus pauvres de France. Ainsi, le député de Guyane Jean-Victor Castor juge sur les réseaux sociaux que la prison annoncée par Gérald Darmanin répond à « la même logique coloniale qui a créé le bagne », certainement pas aux besoins des habitants.
« La Guyane a besoin de désenclavement, de routes, d’écoles, d’hôpitaux, d’infrastructures de base, mais l’urgence de la France est d’y construire des prisons de haute sécurité pour narcotrafiquants et détenus radicalisés », s’indigne le parlementaire membre du groupe communiste à l’Assemblée, en accusant le ministre de la Justice – désireux de peser sur la prochaine présidentielle – de se servir du territoire comme d’un « marchepied » pour 2027.
Mêmes reproches du côté de Marine Tondelier. « Oui, il faut des services publics en Guyane mais je ne pense pas que la priorité était ce projet de prison », a ainsi expliqué la secrétaire nationale des Écologistes sur BFMTV ce dimanche. Qui plus est, « la symbolique qui consiste à installer en Guyane une prison pour des non-Guyanais et “les plus dangereux” est extrêmement problématique », a-t-elle ajouté, car « on voit bien la référence historique au bagne de Cayenne. »
Eric Coquerel, le président (LFI) de la commission des Finances à l’Assemblée, dénonce dans le même esprit la volonté de Gérald Darmanin de créer un « Guantanamo à la française » avec, en prime, « un mépris colonialiste vis-à-vis de la Guyane. » Comme la dirigeante écolo ou les députés insoumis, ils sont nombreux à pointer du doigt la « politique spectacle » du ministre de la Justice après son annonce. Et pas uniquement à gauche. De l’autre côté du spectre politique, l’extrême droite ne se montre pas franchement plus enthousiaste.
Beaune soutient Darmanin
Invitée de LCI ce dimanche, l’eurodéputée Marion Maréchal a par exemple moqué une initiative « un peu ridicule. » « Cela me rappelle la proposition de campagne de Wauquiez d’envoyer les OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon, j’ai quand même le sentiment de l’activation de l’armée de communicants autour de nos chers politiques », a-t-elle déclaré, en évoquant une « course à l’échalote » pour incarner l’autorité. Et d’ajouter : « Que ces prisons soient au cœur de la jungle ou dans la Creuse ou la banlieue de Bordeaux, qu’importe. J’ai l’impression d’avoir du marketing. Ce qui compte, c’est que cette prison de haute sécurité soit construite. »
Dans ce contexte, Gérald Darmanin peut difficilement compter sur les soutiens du bloc central, pas franchement allants pour défendre spontanément son projet. L’un des rares à s’exprimer, Clément Beaune, évoque toutefois une logique de sécurité indispensable et répond « pourquoi pas » quant au choix de la Guyane.
« On doit créer une prison supplémentaire de haute sécurité. Je pense que Gérald Darmanin a raison, on en a besoin. On a, on le voit bien un narcotrafic qui se développe et qui prend racine parfois dans les flux internationaux notamment par l’Amérique du Sud », a ainsi expliqué sur franceinfo l’ancien ministre devenu haut-commissaire au plan.
Sur place, à Saint-Laurent-du-Maroni, Gérald Darmanin a farouchement défendu son choix, assurant au passage que la création de cette nouvelle prison suit une promesse gouvernementale formulée en 2016. Et de préciser, devant les caméras : « ce n’est pas une prison de haute sécurité, mais un quartier de haute sécurité de 60 places. » Une façon, peut-être, d’éloigner le spectre du bagne évoqué par les oppositions.
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