Braun-Pivet réélue au Perchoir au prix d’une alliance qui défie le vote des législatives
POLITIQUE – Le partage du siècle. Yaël Braun-Pivet est réélue ce jeudi 18 juillet à la présidence de l’Assemblée nationale. Bénéficiant du retrait du candidat des Républicains Philippe Juvin la députée macroniste des Yvelines a récolté 220 voix au troisième tour du scrutin, loin de la majorité absolue, mais suffisant pour retrouver le Perchoir.
Face à elle, le candidat unique du Nouveau Front populaire, André Chassaigne n’a pas pu faire grand-chose pour contrer les alliances de circonstance. Le communiste a recueilli le soutien de 207 députés au troisième tour du scrutin… Soit une quinzaine de voix récupérées hors du NFP. Mais ce n’était pas assez.
Parée du sourire de la victoire, Yaël Braun-Pivet a rapidement promis « une nouvelle méthode dans cette Assemblée plus divisée que jamais », en reprenant possession de son fauteuil. « Nous devons être capables de dialoguer, de nous écouter, d’avancer », a-t-elle encore clamé, en saluant la participation massive des Français aux élections législatives anticipées.
Victoire pour Macron
En réalité, le résultat – qui n’allait pas de soi au soir du 7 juillet – n’est pas une vive surprise. Il est le fruit, selon les informations de plusieurs médias, d’un accord entre la Macronie (168 députés) et les Républicains (48), très à l’avantage des troupes de Laurent Wauquiez.
En somme, les deux grands perdants des élections législatives anticipées (en termes d’effectifs et de dynamique) ont réussi à s’entendre, de nouveau, pour se répartir les principaux postes à responsabilité au Palais Bourbon. Selon L’Opinion, la droite (canal historique) pourrait donc compter sur deux vice-présidents, mais également la présidence convoitée de la Commission des Finances, en échange de son soutien.
« C’est une question de responsabilité vis-à-vis du pays », justifie le nouveau député LR Vincent Jeanbrun au HuffPost, dans les couloirs du Palais Bourbon, réfutant toute idée de « coup politique. » Le Nouveau Front populaire est arrivé en tête ? Pas de problème à reconduire Yaël Braun-Pivet, selon lui, puisque ce choix s’est fait au terme d’un « vote démocratique. »
Du côté d’Emmanuel Macron, ce résultat – sans doute cher payé – est en tout cas une victoire cruciale, après de nombreuses défaites électorales. Le chef de l’État, qui misait beaucoup sur ce scrutin pour renverser le discours faisant du Nouveau Front populaire les vainqueurs des élections législatives peut être satisfait. Son camp démontre qu’une coalition avec Les Républicains est possible, et qu’elle ferait mieux que la gauche en termes d’effectifs. Bref qu’il n’a pas perdu les législatives.
« Déni de démocratie »
Dans ce contexte, la bataille de récit promet malgré tout de faire rage. Le Nouveau Front populaire, appuyé par plusieurs élus indépendants, dénonce un résultat propre à dégoûter les électeurs (après une participation massive), et un pouvoir en place depuis 7 ans qui ne parvient toujours pas à écouter le verdict des urnes.
« Lorsqu’on interrogera les Français sur leur perception d’un troisième tour qui aboutit à la réélection de la présidente sortante qui représente un courant politique qui a connu deux graves échecs aux européennes et aux législatives, beaucoup de nos concitoyens vont se poser la question du déni de démocratie », a par exemple pesté le député Liot Charles de Courson, candidat au Perchoir jusqu’au deuxième tour, avant même le résultat connu.
À gauche, la défaite est encore plus amère. À peine sorti de l’hémicycle, André Chassaigne a dénoncé « une combinaison qui a permis de ne rien changer alors que le peuple a demandé que ça change. » Des manœuvres, selon lui, d’autant plus « malsaines et nauséabondes » que Les Républicains se sont déclarés comme « groupe d’opposition. » Une subtilité qui leur permet de briguer des postes réservés… Après avoir œuvré à réinstaller Yaël Braun-Pivet au Perchoir.
La gauche veut encore croire à Matignon
Ce désarroi teinté de colère parcourt tous les rangs de la gauche. Le président du groupe socialiste Boris Vallaud a même estimé devant les caméras que « les Françaises et les Français ont été volés », pendant que sa collègue du PCF Elsa Faucillon évoquait « un cadenassage du pouvoir par les perdants, par les battus. » Dans la foulée, François Ruffin s’est lui aussi indigné sur les réseaux sociaux contre un chef de l’État qui « n’a rien appris, agit comme si les urnes n’avaient pas parlé » et « préfère le bidouillage à la clarté. »
Dans ce contexte, la gauche veut croire malgré tout qu’elle a perdu une bataille – majeure – mais pas la guerre. Nombreux dirigeants du Nouveau Front populaire appellent effectivement le président de la République à reconnaître sa défaite aux législatives et à se tourner vers le Nouveau Front populaire pour former un gouvernement, malgré la reconduction de Yaël Braun-Pivet au Perchoir.
« On a perdu une bataille qui était perdue d’avance », a ainsi soufflé la cheffe des écologistes Marine Tondelier, sur BFMTV en fin de journée. Et d’ajouter : « Tout continue pour Matignon. Cela ne change rien à notre détermination pour gouverner. On voit mal comment Emmanuel Macron pourrait à ce point maltraiter la démocratie. »
Car la victoire de la macronie ce jeudi après-midi n’indique, pas forcément, qu’elle peut garder la main sur le gouvernement. Malgré un accord tacite pour le Perchoir, les Républicains n’ont pas prévu de soutenir une coalition avec le « bloc central » revendiqué, restant, pour l’instant, dans le même esprit d’indépendance relative qui est le sien depuis 2022. Et quand bien même les deux camps s’accorderaient, le scrutin de ce jeudi montre qu’ils seraient soumis au même risque de censure que le Nouveau Front populaire. Le plat de lentilles, certes du Puy, à des limites.
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