Ce « Complément d’enquête » sur Jean-Luc Mélenchon illustre toutes les difficultés de LFI
POLITIQUE – Qui est vraiment Jean-Luc Mélenchon ? Derrière le débatteur redoutable et le tribun hors pair, se cachent cinquante ans de militantisme, dont trente comme élu, au service d’une cause qu’il porte fièrement, grenouillant d’abord dans les milieux trotskistes, puis s’épanouissant au Parti socialiste avant d’en claquer bruyamment la porte pour se retrouver aujourd’hui à la tête de La France insoumise. Tout semble avoir déjà été raconté sur ce personnage singulier de la gauche française, adulé par les uns, haï par les autres.
Ce jeudi 24 avril, le magazine Complément d’enquête diffusé sur France 2 consacre pourtant un long portrait au triple candidat à l’élection présidentielle, qui devrait repartir une quatrième fois au combat en 2027. Au-delà de poncifs maintes fois entendus sur « les outrances » de l’ancien sénateur, le documentaire offre un retour sur les trois années qui viennent de s’écouler. De l’affaire Quatennens à la réforme des retraites, en passant par les massacres à Gaza et la dissolution de l’Assemblée nationale, la période a été riche en secousses pour La France insoumise.
Le document se révèle éclairant sur les méthodes utilisées par le mouvement. Ainsi, la députée Danielle Simonnet, qui estime avoir été victime d’une « purge » comme Alexis Corbière et Raquel Garrido l’été dernier, rend public un échange Telegram qu’elle a eu avec Jean-Luc Mélenchon en décembre 2021. En pleine campagne présidentielle, le candidat lui envoie un message succinct : « Ne crois pas que je ne me rende pas compte ». Incompréhension de Danielle Simonnet qui lui répond : « On en parle quand tu veux », sans savoir à quoi il fait référence.
En fait, Jean-Luc Mélenchon lui reproche d’empêcher l’implantation de Sophia Chikirou, sa protégée, dans le 11e arrondissement de Paris, en manipulant les militants locaux. « Ce n’est pas moi qui l’empêche de convaincre », a beau répondre Danielle Simonnet, en lui proposant un rendez-vous en tête pour en discuter, le leader ne veut rien entendre. « J’ai rien à dire. J’agirai », se contente-t-il d’écrire.
« Je vous passerai tous à la trappe »
Dans un second message, il se veut plus limpide : « Tu es juste prévenue que je ne laisserai pas faire la bande de nuls qui fait le sale boulot. Il est temps de renouveler ce secteur. Tu m’en convaincs ». Puis : « J’ai pas de temps à perdre. Les combines pourries des planqués (…) ne m’impressionnent pas. Je vous passerai tous à la trappe ».
Des menaces qu’il mettra à exécution deux ans plus tard, en n’accordant pas à Danielle Simonnet l’investiture dans sa circonscription. La principale concernée explique avoir très mal vécu cet épisode. « Les messages ont été de plus en plus violents. Des messages de haine », décrit-elle, qualifiant de « harcèlement moral politique » l’attitude de Jean-Luc Mélenchon.
Le séisme de l’affaire Quatennens
En interne, c’est le rôle jugé néfaste de Sophia Chikirou qui est pointé du doigt. « Elle entretient des rapports humains durs et brutaux », témoigne l’ex-députée Raquel Garrido. Plusieurs enquêtes journalistiques ont mis en lumière la brutalité des méthodes de travail brutales de l’ex-directrice du Media, qui a par exemple qualifié certains députés ex-LFI de « langues de pute », ou usé de l’expression homophobe « tafioles de merde » pour parler d’anciens collègues.
Au total, le documentaire dresse un portrait sans concession de Jean-Luc Mélenchon, tantôt accablant, tantôt discutable dans ses angles d’attaques. Sont ainsi invitées à s’exprimer des personnes qui ont clairement rompu avec La France insoumise (Jérôme Guedj, François Cocq, Fabien Roussel, Raquel Garrido…) et qui, comme il faut s’y attendre, ne sont pas tendres avec le mouvement.
« Jean-Luc Mélenchon ne m’impressionne pas »
Sur l’affaire Quatennens, il est reproché à Jean-Luc Mélenchon de n’avoir « rien compris à #MeToo et au programme féministe de La France insoumise » (Danielle Simonnet) et d’assurer à son fidèle lieutenant une « protection patriarcale » (Raquel Garrido) en le défendant après une plainte déposée par sa compagne pour violences conjugales.
Le magazine montre le rôle singulier joué par la députée Pascale Martin qui, la première, ose s’opposer frontalement à la ligne de son parti. « Je n’ai pas grand chose à faire d’être bien vue par le chef. Jean-Luc Mélenchon ne m’impressionne pas, mes engagements féministes passent au-dessus de tout », clame celle qui, aujourd’hui, ne siège plus à l’Assemblée nationale.
Sur une musique du Parrain, célébrissime film de gangsters, Complément d’enquête s’interroge sur la destinée du « vieux loup ». A-t-il vocation à devenir le prochain Président de la République, tel François Mitterrand qu’il admire ? Ou est-il condamné à rester « le tribun de la rupture », porte-voix de la gauche, comme Jean Jaurès ?
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